Ailleurs, c’est pire
Article exutoire comme j’en fais parfois… Parce que des fois, c’est bien de gueuler. Bien sûr, agir, c’est bien aussi 🙂
Ah, et notez que mes piques sur la SNCF (ça faisait longtemps tiens, ça me rappelle le Geektionnerd) ne sont pas vraiment destinées au petit personnel de l’entreprise en question. Comme souvent, le problème vient de bien plus haut…
Ailleurs, c'est pire
Si vous êtes français comme moi, vous savez sans doute que nous avons une réputation de branleurs râleurs.
Bon, alors il faut admettre que ce cliché est, dans une certaine mesure, assez réaliste.
En tout cas plus mérité que notre réputation de ne jamais nous laver.
(Jamais compris d'où il venait, celui-là.)
✷ C'est pas vulgaire, c'est du Victor Hugo**.
✷✷ Si si, j'vous assure. Les Misérables, Tome IV, Livre 6, Chapitre 2.
Alors oui, nous râlons parfois pour un rien et pouvons faire preuve de mauvaise foi.
Mais pardonnez-moi, dans le genre mauvaise foi, il y a un argument anti-râleur qui me met hors de moi tellement il est stupide :
« Te plains pas, c'est pire ailleurs. »
Mais si, vous savez, ce fameux argument qui fait de la chanson « Il en faut peu pour être heureux » un programme politique.
▶️ Alors de une : la comparaison est bien choisie. Oui, parce que les trains anglais sont peut-être moisis, mais si on se compare aux trains japonais, on va vachement moins la ramener.
Y'a peut-être pire ailleurs, mais y'a mieux aussi.
▶️ Et de deux : il y a pire ailleurs, okay. C'est vrai.
Okay, okay, y'a pire ailleurs, je suis d'accord…
Sans vouloir la jouer dramatique - et sans vouloir plagier George Abitbol - on vit quand même objectivement dans un Monde de Merde™.
Du coup l'argument « c'est pire ailleurs » me semble un peu simpliste et pas très convaincant.
▶️ Mais le pire, c'est que cet argument est régulièrement utilisé pour des cas autrement plus graves que la soupe et le caca.
(De toute façon, j'aime pas la soupe, alors…)
Pour ma part, je préfère être parfois agacé par les gens qui râlent qu'être désespéré par les gens qui sont résignés à accepter leur sort sans broncher.
💡 Parce qu'au fond, dans un monde où l'on essaierait vraiment d'aller de l'avant, d'améliorer notre condition, il n'y aurait que deux comparaisons qui tiendraient vraiment :
1) Est-ce que la situation actuelle est mieux qu'elle ne l'était avant, ou au moins équivalente ? #nonRégression
2) Est-ce que la situation idéale serait significativement mieux que la situation actuelle ? #progrès
Par exemple, si je veux évaluer la situation des droits des femmes en France, voici une comparaison débile :
Et voici deux comparaisons qui tiennent la route :
⚠️ Le truc, c'est qu'il est très pratique pour les pouvoirs (politique et médiatique) d'avoir recours au « c'est pire ailleurs ». Non pas pour améliorer ce qui se passe ailleurs, mais bien pour empirer ce qui se passe ici.
La prochaine fois qu'on fait référence à « ailleurs » pour justifier un changement de situation, posez-vous les questions : et « avant » ? Et « dans l'idéal » ?
Si les réponses sont négatives, eh bien, n'hésitez pas :
RÂLEZ !
Il y aura toujours pire ailleurs.
Si votre ambition se résume à être meilleur que le pire cas, ce n'est pas une ambition. C'est une (maigre) consolation.
🛈 Si vous avez aimé cet article, vous pouvez le retrouver dans le livre Grise Bouille, Tome I.