LHDG09. Les événements libristes

Publié le 25 mai 2023 par Gee dans Jukebox

Préambule : je participe à Libre à vous !, l'émission de radio de l'April, diffusée en région parisienne sur la radio Cause Commune (93.1 fm) et sur Internet dans le reste du monde. J'y tiens une chronique humoristique mensuelle intitulée Les humeurs de Gee.

Logo de l'émission Libre à vous !

Un grand merci à l'équipe de l'April pour l'accueil, l'enregistrement, et tout le boulot d'édition des podcasts ! Vous pouvez aussi retrouver le reste de l'émission en ligne.

Notez que cette fois, j'y ai également donné une interview au sujet de mon jeu vidéo Superflu Riteurnz !.

Texte de la chronique

Salut à toi, public de Libre à vous.

Pour commencer, j’ai une confidence à faire : cette semaine, pour ma chronique, je n’avais rien. Si si, je t’assure, ça me gêne de l’admettre, mais ce week-end encore, j’avais mon éditeur de texte ouvert, et paf !, page blanche.

Bon, il faut dire que je sors d’une période de boulot assez intense, car hier je sortais mon premier jeu vidéo, Superflu Riteurnz. Et comme j’ai tout fait tout seul, eh bien à la fin je faisais des journées à rallonge et j’avais un peu de mal à penser à autre chose ! Malgré tout, il était hors de question que j’arrive à cette émission la gueule enfarinée comme Frédéric Beigbeder à France Inter en mode « ah bah, aujourd’hui j’ai rien, y’a mon chien qui a bouffé ma chronique ! » Et quand je dis « gueule enfarinée », c’est bien sûr au propre comme figuré.

Bref ! Pour trouver l’inspiration, je me suis dit que j’allais faire une humeur joyeuse, pour une fois : le retour des beaux jours, la sortie de mon jeu, la sortie du dernier Zelda aussi, sur lequel j’ai déjà passé un certain nombre d’heures. Tout cela me met plutôt de bonne humeur, alors autant en profiter.

Je vous ai déjà parlé plusieurs fois de mon amour pour les logiciels libres, évidemment, mais je dois préciser quelque chose : autant ce qui m’a fait venir au logiciel libre, ce sont les logiciels, oui ; autant ce qui m’a fait y rester, ce sont les gens, car, quand on dit que le logiciel libre est communautaire, on a parfois tendance à penser simplement la communauté en termes de développement : un logiciel développé à plusieurs. Mais la communauté c’est aussi, tout simplement, des gens qu’on croise, qu’on connaît, qu’on apprécie, qu’on aime retrouver, avec qui on aime aller boire des coups ou refaire le monde.

L’endroit le plus indiqué pour ça, c’est l’événement libriste. On appelle ça un festival ou des Journées du Logiciel Libre, peu importe. En général, un événement libriste se matérialise de la façon suivante : quelques jours, souvent un week-end, où les associations et parfois les petites entreprises du Libre se rassemblent, présentent leurs travaux sur des stands et dans des conférences plus ou moins techniques.

Je ne vais pas tous vous les citer, mais on peut parler, par exemple, du Capitole du Libre qui se déroule à Toulouse en automne ou des Journées du Logiciel Libre à Lyon au printemps. Personnellement j’ai fait le compte et, depuis que je suis tombé dans la marmite du logiciel libre en 2009, j’ai participé à pas moins de 16 événements de ce type. Oui, je sais Étienne, toi tu en fais 16 par an, mais c’est ton boulot, ce n’est pas pareil !

Je me souviens encore, avec émotion, de mon tout premier événement libriste. C’était à l’été 2011, à Strasbourg, un événement aujourd’hui malheureusement disparu mais qui était alors un moment fort pour les libristes : les Rencontres Mondiales du Logiciel Libre, ou RMLL de leur petit nom, ou Reumeuleuleu de leur autre petit nom. Rencontres MONDIALES, c’était un peu exagéré. Sur 18 éditions, il y en a eu 16 en France, une en Suisse et une en Belgique. Bon ! Plus européennes et francophones que mondiales, mais bon !

N’empêche. J’avais 22 ans à l’époque et, pour un tout jeune libriste, tout fier de son Ubuntu avec son bureau Compiz en 3D, c’était quelque chose ! Mettre enfin des visages sur tous ces pseudos croisés en ligne, rencontrer des gens de Framasoft, de l’April, de La Quadrature du Net ; faire le plein de stickers pour décorer son ordinateur jusqu’à ce que, couche après couche, la coque n’en soit même plus visible ; vérifier que oui, Benjamin Bayart porte bien des cravates Looney Tunes même dans la vraie vie ; vérifier que oui, Richard Stallman fait bien exactement la même conférence depuis 40 ans, c’était avant qu’il soit cancel, évidemment.

Et puis c’était émouvant de voir tous ces gens comme moi, tiraillés entre leur envie d’aller porter la bonne parole du logiciel libre au plus grand nombre et leur introversion maladive qui les pousse à se planquer derrière un écran d’ordinateur dès qu’un visiteur ou une visiteuse croise leur regard.

Je plaisante, mais qu’à moitié. La communauté du Libre m’a aussi mené à ma première expérience associative avec Framasoft et, mine de rien, je pense que cette expérience associative a beaucoup joué dans mon passage à l’âge adulte. Ouais, carrément !

Moi, adolescent, j’étais plutôt dans ce tempérament cynique branchouille, vous voyez ?, « de toute façon, le monde c’est d’la merde et les gens c’est des cons ! ». On peut le dire, la communauté du Libre m’a réconcilié avec l’humanité, rien que ça ! Je ne suis pas devenu béat d’optimisme, je grommelle encore régulièrement « monde de merde », comme George Abitbol, mais je me dis aussi que quand on se rassemble, avec des gens de bonne volonté, eh bien on peut faire des trucs chouettes !

Parfois c’est sportif ! On est plusieurs à se souvenir du gros zbeul des RMLL de Montpellier, en 2014. À Framasoft, on s’était retrouvés à dix personnes pour cinq lits simples, à peu près. Il a fallu jouer à Tetris pour tous tenir ! Et puis des fois, pendant ta conférence, c’est le câble vidéo qui ne marche pas, ou alors il y a juste une entrée VGA sur le projecteur et toi tu n’as que du HDMI ! Et puis tu dois gérer les questions du public après ta conf, avec Jean-Michel Vétéran « oui, moi, déjà en 95 sur Slackware », oh ça va Jean-Mi ! Et puis aussi ce mec, toujours le même, qui choppe le micro pour dire « alors moi ce n’est pas une question mais plutôt une remarque ». Mais va faire directement une conf et arrête de squatter la mienne !

Il faut aussi admettre que c’est symptomatique d’un problème un peu récurrent sur ce genre d’événements : l’entre-soi. En théorie, on organise des événements libristes pour faire la promotion du logiciel libre au plus grand nombre, mais ce n’est pas toujours un succès. Il faut dire que quand l’événement est en centre-ville, ça va, mais quand il est sur un campus à Perpète-lès-oies, complètement déserté le week-end, on se retrouve vite à faire des confs pour les potes des autres assos. Alors c’est sympa, mais ça tient plus de la soirée VIP entre initiés que de la foire populaire.

Heureusement, j’ai l’impression qu’on gère ça de mieux en mieux, en assumant, d’une part, ce côté événement entre potes dont, je pense, on a besoin, et en essayant d’étendre un peu la portée de nos actions, notamment en sortant du techno-centrisme des conférences pour aller vers des questionnements plus larges et, disons-le, plus politiques.

Ainsi, je me souviens d’un thème aux JDLL, les Journées du Logiciel Libre de Lyon, il y a quelques années, qui était : « Utopies concrètes et accessibles ». Ça a quand même une autre gueule que « Quelles nouveautés dans le dernier Firefox et quel logiciel libre pour faire sa compta ». Non pas que les confs techniques soient inintéressantes, mais c’est toujours bien d’étendre un peu les horizons !

Le logiciel libre a peut-être une part technique importante, mais ce qui fait qu’on le distingue parfois de l’open source, c’est l’aspect projet de société : au-delà du logiciel nous voulons, quelque part, à notre modeste échelle, un peu changer le monde. Et pour changer le monde, mine de rien, il faut déjà se mettre d’accord sur la façon dont on veut le changer. Et, pour cela, on n’a pas encore trouvé mieux que de se rassembler, discuter, boire des coups – pas forcément alcoolisés d’ailleurs. Bref ! Nos petits événements libristes, modestes et sympas, c’est aussi ce qui nous permet de faire le plein d’énergie, de se sentir moins seul, d’avoir la sensation d’appartenir à quelque chose qui nous dépasse. Et dans ce « monde de merde », eh bien ce n’est pas rien !

Je ne peux donc pas conclure cette chronique sans vous signaler un événement libriste qui arrive ce week-end et auquel j’aurai le plaisir de participer : ça s’appelle Entrée Libre, ça se passe à Quimper du jeudi 18 mai au samedi 20 mai. Viendez nombreux et nombreuses ! Moi, ce sera mon premier événement libriste en Bretagne et j’ai déjà hâte de retrouver tous les potes.

Bonne semaine. Surtout bon week-end prolongé aux personnes qui ont la chance de faire le pont et salut !

Publié le 25 mai 2023 par Gee dans Jukebox

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