Annonce : vous pouvez désormais vous abonner par mail au blog !

LHDG17. Canonical a 20 ans

Publié le 25 mars 2024 par Gee dans Jukebox

Préambule : je participe à Libre à vous !, l'émission de radio de l'April, diffusée en région parisienne sur la radio Cause Commune (93.1 fm) et sur Internet dans le reste du monde. J'y tiens une chronique humoristique mensuelle intitulée Les humeurs de Gee.

Logo de l'émission Libre à vous !

Un grand merci à l'équipe de l'April pour l'accueil, l'enregistrement, et tout le boulot d'édition des podcasts ! Vous pouvez aussi retrouver le reste de l'émission en ligne.

Texte de la chronique

Salut à toi, public de Libre à vous,

Pour commencer cette chronique, je te propose une petite devinette. Attention. Top ! Je suis un milliardaire sud-africain âgé d'une cinquantaine d'années. Au début des années 2000, je deviens le deuxième touriste de l'espace et je fonde dans la foulée une entreprise dans le milieu de la tech, je suis, je suis ?

Eh non, je ne suis pas Elon Musk, fondateur de SpaceX et grand Zinzin de l'Espace ayant méthodiquement flingué Twitter, mais bien Mark Shuttleworth, le fondateur de Canonical, l'entreprise développant la distribution GNU/Linux Ubuntu. Alors j'ai un peu triché car Shuttleworth n'est plus milliardaire aujourd'hui, sa fortune n'étant plus que d'un demi-milliard. Pfff, le nullos.

Et puis j'avais aussi oublié cette histoire de tourisme spatial. Ouais ouais. À l'époque où j'avais découvert Ubuntu, ça m'avait fait marrer que le fondateur ait fait joujou dans une navette spatiale. Bon. Depuis, j'ai lu Pablo Servigne. Ça me fait beaucoup moins marrer maintenant.

Allez, je vais quand même pas cracher sur Shuttleworth pendant toute la chronique. Vous n'allez pas tomber de votre chaise si je vous apprends que je ne porte pas spécialement les milliardaires — ou demi-milliardaires – dans mon cœur, mais si je devais en sauver un, ce serait sans doute Mark Shuttleworth.

Car on lui doit donc, comme je le disais, Ubuntu, via Canonical, sa société fondée il y a tout juste 20 ans, le 5 mars 2004 exactement. Oui oui, je vous assure, 2004, c'était y'a 20 ans. Oui, Face à la mer de Calogero et Passi, c'était y'a vingt ans oui, « Calo Passi 2 0 0 4, action », c'est littéralement dans les paroles, hein.

Bon, et moi, autant en 2004, j'étais encore au lycée à pirater des licences de Guitar Pro sur Windows XP pour lire les tablatures du dernier Linkin Park, autant en 2007, j'étais en classes prépas et je découvrais Ubuntu. Il faut dire qu'à l'époque, Windows Vista arrivait, et vu les retours que les gens en faisaient, j'avais à peu près autant envie de le choper que de choper des chlamydias, hein. C'est donc mon ami Nicolas, que je salue au passage, qui m'a fait boire ma première gorgée de potion magique en me filant un petit CD de Feisty Fawn, la version d'Ubuntu de l'époque.

Je me souviens encore de cette sensation de découvrir un autre monde, en lançant ce système GNU/Linux sur mon premier PC portable que j'avais eu pour Noël. J'arrivais de Windows XP, hein, avec ses couleurs froides, bleues, vertes, moches, cet aspect aseptisé et avec des polices mêmes pas lissées d'ailleurs… et là, je lance Ubuntu, et soudain…

(Bruit de tamtams)

Aaaah, ce bruit. C'est ma petite Madelaine de Proust de libriste. Je le vois encore, ce thème aux couleurs chaudes, avec ses reflets bruns et orangés, ces polices lissées, ces effets de bureau incroyables… et parfois un peu exagérés, oui. Oui, j'ai eu mon bureau en cube en 3D avec Beryl et Compiz, comme à peu près tout le monde à ce moment-là. Les fenêtres qui se déforment comme des feuilles de papiers quand on les bouge et qui s'enflamment quand on les ferme ! Aaaah. C'était le bon temps.

Alors oui, Ubuntu a changé par la suite, et a adopté des couleurs plus froides, des teintes violacées et un ton plus sobre, parce qu'il fallait faire pro, sérieux, évidemment. Et puis moi aussi, j'ai changé d'ailleurs, en essayant plein d'autres distributions, la fameuse Debian sur laquelle est basée Ubuntu pendant un temps, Fedora pendant mes années de doctorat, et puis Linux Mint depuis pas mal d'années, une version dérivée d'Ubuntu que je trouve mieux foutue et plus agréable à utiliser.

N'empêche, n'empêche. On a beaucoup ironisé sur Ubuntu, en disant que c'était un mot africain qui signifiait « je n'arrive pas à installer Debian ». Alors qu'en vrai, Ubuntu est bien un mot africain, plus précisément issu des langues bantoues d'Afrique centrale, orientale et australe – merci Wikipédia – mais qui désigne la notion suivante : « je suis ce que je suis grâce à ce que nous sommes toutes et tous ». Et ça quand même, bah je trouve que ça claque.

À l'époque où je m'y suis mis, Ubuntu se targuait d'être un « Linux for human beings », « Linux pour les êtres humains ». Ouais, carrément. Non pas que les geeks qui avaient réussi à installer Debian et compagnie n'étaient pas des êtres humains. Mais approcher d'une interface en ligne de commande sans trembler des genoux, c'est pas forcément donné à tout le monde.

Et Ubuntu, ça reste la distribution qui a rendu accessible GNU/Linux, et par extension, tout un pan du logiciel libre, à plein de personnes, moi compris. Si aujourd'hui, on a des GNU/Linux aussi conviviaux, faciles d'installation et d'utilisation, c'est sans doute en partie grâce à Ubuntu ; si de nombreux logiciel grand public, même propriétaires, proposent aujourd'hui des versions GNU/Linux (Spotify, Discord, Zoom, tout un tas de jeux vidéos), c'est sans doute en partie grâce à Ubuntu. Alors y'a des gens qui sont pas contents qu'on ait du propriétaire sur GNU/Linux, mais force est de constater que ça aide à la transition.

Enfin, si le logiciel libre arrive parfois à se faire une place dans les services publics français malgré le lobbying totalitaire de Microsoft, c'est aussi en partie grâce à Ubuntu. Eh oui, la gendarmerie nationale, en France, utilise Ubuntu depuis 2008, enfin GendBuntu, une version dérivée et adaptée aux besoins de la gendarmerie. Bon ils ont mis un thème bleu gendarme, en gros. On connaît un paquet d'autres institutions en France qui feraient bien d'en prendre de la graine, mais on n'est pas là pour parler du Ministère de l'Éducation Nationale… ou du Ministère de la Santé… ou du Ministère des Armées, enfin bref.

On peut reprocher tout un tas de trucs à Ubuntu : sa promotion du système Snap centralisé, qui fragmente le système et casse la philosophie de sobriété de GNU/Linux ; le fait que Canonical bosse un peu tête baissé sans trop collaborer avec les autres organisations ; et puis évidemment ses errements comme l'introduction en 2012 de liens publicitaires vers Amazon – mais quelle horreur, sérieux.

Enfin, Canonical et Ubuntu restent malgré tout des acteurs majeurs de l'écosystème GNU/Linux, et ce n'est pas un hasard si un gros paquet de distributions en sont aujourd'hui dérivées. Difficile d'imaginer ce que serait cet écosystème si Mark Shuttleworth n'avait pas décidé de claquer ses millions dans le développement d'Ubuntu et non dans un énième yacht comme pas mal de ses camarades de classe sociale.

Lors de ma dernière chronique, Libre à vous ! fêtait sa 200e émission et je lui souhaitais une longue vie, alors évidemment je vais souhaiter longue vie à Ubuntu également. Vingt ans et on l'espère beaucoup d'autres. Parce que moi, si je devais résumer ma vie avec vous aujourd'hui, je dirais pas que c'est avant tout des rencontres. Non, je pense que je vous dirai tout simplement Ubuntu : « je suis ce que je suis grâce à ce que nous sommes toutes et tous ». Allez salut !

Publié le 25 mars 2024 par Gee dans Jukebox

Soutenir

Ce blog est publié sous licence libre, il est librement copiable, partageable, modifiable et réutilisable. Il est gratuit car financé principalement par vos dons. Sans inscription, vous pouvez très simplement me soutenir :

Pour l'année 2023-2024, 9 796 € ont pour l'instant été collectés sur un objectif annuel de 21 000 € (SMIC brut), soit 47 % de l'objectif :

Sources de revenu

L'année étant entamée à 65 %, il y a actuellement un retard de 3 854 € sur l'objectif.

Avancement de l'année

Vous pouvez également, si vous le souhaitez, passer par une plateforme de financement participatif :