Panique algorithmique
Eh voilà, ça devait bien arriver, j’ai encore pondu une BD à rallonge.
Bon, le sujet est hyper-vaste et pas vraiment simple, mais j’ai essayé de faire au mieux. C’est pas parfait, mais à un moment il a fallu que je bloque le texte, sinon ça serait vraiment parti trop loin (de digression en digression). J’ai essayé de synthétiser à la fois le côté technique et le côté politique sans raconter trop de conneries. Je m’excuse d’avance si je suis passé un peu vite sur certaines notions. Mais si ça peut permettre à certains d’y voir un peu plus clair, c’est toujours ça de gagné.
Plongeons donc dans le monde merveilleux des algorithmes…
Panique algorithmique
💡 « Algorithme ». C'est le nouveau mot à la mode, celui qu'on nous ressort à toutes les sauces même si on ne sait pas du tout de quoi on parle. Il a même eu l'honneur d'une couverture du Point récemment :
Notez que le mot « algorithme » vient de « Al-Khuwarizmi », nom d'un mathématicien perse du IXe siècle.
De là à dire qu'il faudrait que Le Point arrête de taper systématiquement sur les musulmans, il n'y a qu'un pas.
⚠️ En tout cas, puisque la presse a décidé de faire de ces « algorithmes » un énième épouvantail à cons (après les roms, le burkini, les casseurs en manif et les chômeurs), je pense qu'il est nécessaire de dédramatiser un peu le sujet.
Un algorithme, c'est juste une suite d'instructions appliquées méthodiquement pour obtenir un résultat.
Précisément.
Un programme et un algorithme, ce sont deux notions proches.
▶️ On confond d'ailleurs parfois les deux mots. Pour faire simple, on pourrait dire qu'un algorithme est une notion abstraite et qu'un programme est sa représentation concrète.
✷ Je ne parle bien sûr pas du son émis (qui est une vibration sonore bien concrète) mais du concept même de « mélodie ».
Un programme est donc un algorithme qu'on représente dans un langage informatique.
Et le joueur de saxo, dans tout ça, c'est l'ordinateur.
Mais un algorithme, en tant que suite d'instructions suivies méthodiquement, ça se passe d'ordinateur.
Vous en utilisez vous-même tous les jours.
Bien sûr, nous ne pouvons pas définir chacune de nos actions sous forme d'algorithmes bien définis et inaltérables.
Déjà, parce que ce serait assez triste…
(Oui bon, okay, y'a des gens qui le font.)
… mais aussi parce que la vie est complexe, changeante et qu'une suite d'instructions définies à un instant ne va pas forcément convenir à toute situation.
💡 Néanmoins, pour tous les domaines bien balisés, comme l'administration, des algorithmes aussi rigides que des programmes informatiques sont déjà utilisés depuis belle lurette.
▶️ Dans ce genre de cas, remplacer l'humain par un programme ne comporte que des avantages : le programme va immensément plus vite, ne se fatigue pas, ne se trompe pas (s'il est codé correctement) et fera toujours exactement ce qu'on lui demande.
⚠️ Oui, mais alors, vous allez me dire : avec une administration humaine, on peut discuter, négocier. Les fonctionnaires ont une latitude que n'aura jamais une machine et peuvent s'écarter des instructions (c'est-à-dire de l'algorithme) si besoin.
Blague à part, si pas mal de choses dans nos vies sont déjà gérées par des algorithmes bien rigides et définis, qu'est-ce qui fait peur lorsque l'on parle d'algorithme ?
Tout d'abord, l'opacité.
L'opacité est source de craintes et elles sont justifiées.
Si on peut facilement vérifier selon quelles règles fonctionne une administration (même si c'est parfois la Maison des Fous d'Astérix), c'est impossible avec un programme opaque.
⚠️ Pour cela, il y a une condition qui devrait être non-négociable : tout programme utilisé pour les besoins des services publics devrait être à source ouverte. De la même manière que les textes de lois sont en accès libre.
Une autre crainte ?
L'arbitraire.
▶️ De deux choses l'une. Soit l'algorithme est déterministe :
Et dans ce cas, il n'y a pas de différence fondamentale entre un programme et une armée de fonctionnaires qui classent des formulaires selon des règles précises.
▶️ Soit l'algorithme est non-déterministe, ce qui veut dire qu'il comporte une part d'aléatoire :
Notez que les algorithmes non-déterministes ont tout autant d'intérêt que les autres, même si les usages diffèrent.
Typiquement, si un croupier utilise un algo déterministe pour mélanger ses cartes, ça va moyennement bien se passer.
💡 Mais que penser alors de l'aléatoire dans des algorithmes ayant une influence certaine sur nos vies ?
Mais ça, ça n'est que mon opinion.
Bah oui, c'est une question d'opinion !
⚠️ Et c'est là toute l'arnaque : si un algorithme n'est qu'un outil sans volonté propre, choisir d'utiliser un algorithme pour gérer tel ou tel aspect de la vie publique, par contre, c'est un choix politique !
Et c'est bien le cœur du problème !
Quand le gouvernement a mis en place le flicage généralisé de la population française avec la Loi Renseignement, on a utilisé le mot « algorithme » comme un mot magique :
BULLSHIT.
Bref, retenez 3 choses sur les algorithmes :
▶️ 1. Il n'y a pas à en avoir « peur ». Un algorithme, ce n'est jamais qu'un processus défini qui pourrait tout aussi bien être effectué par un être humain (il le ferait moins vite, c'est tout).
Exemple : si la machine à composter de la SNCF était un être humain.
✷ Si si, je vous assure, ne vous embêtez pas à le retourner, réessayez juste dans le même sens.
▶️ 2. Par contre, faites gaffe à ce qu'on vous vend avec ce mot. L'algorithme n'est jamais qu'un moyen. Cherchez toujours la fin derrière ce moyen. Parce que c'est sur ce point que devraient se jouer les débats politiques qu'on essaie de détourner en nous enfumant avec un mot à la mode.
▶️ 3. Et enfin, vous allez dire que c'est une idée fixe, mais…
🛈 Si vous avez aimé cet article, vous pouvez le retrouver dans le livre Grise Bouille, Tome II.