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Racine douzième de deux

Publié le 4 mars 2022 par Gee dans Tu sais quoi ?

Ne vous enfuyez pas tout de suite en voyant ce titre ! Promis, on ne va pas parler que de maths… enfin, pour être précis, les maths ne sont pas le sujet principal de cet article.

Racine douxième de deux

💡 En lisant ce titre, vous avez sans doute eu une de ces deux réactions :

La même image deux fois. À gauche, une femme dit : « Ah, il va nous causer de maths ? » À droite, la même : « Ah, il va nous causer de musique ? »

Si vous appartenez à la première catégorie, vous vous demandez sûrement quel rapport il existe entre la racine douxième de deux (à peu près 1,059463094), et la musique.

Commençons par le commencement et donnons le LA.

Gee fait résonner un diapason « Diiiing ! ». La Geekette : « Joli LA. C'est du 440 Hz ? » Gee : « Exactement. L'air vibre donc 440 fois par seconde dans nos oreilles avec ce LA. » La Geekette : « La vache, ça fait beaucoup. »

Le « 440 Hz » est une convention (pas toujours suivie d'ailleurs), mais peu importe.

💡 On s'est vite rendu compte qu'on pouvait multiplier ou diviser par deux la fréquence d'une note et obtenir des notes à la consonance quasi-parfaite : des vibrations à 220 Hz, 440 Hz ou 880 Hz donnent trois notes, une grave, une médium et une plus aiguë… mais qui à part ça semblent parfaitement similaires.

(Oui, c'est pas facile à expliquer.)

Gee : « Si on regarde les deux vibrations, c'est assez logique, une onde va s'aligner parfaitement avec une onde de fréquence double. » Un graphique montre deux ondes sinusoïdales de fréquences 440 Hz et 880 Hz.

De là, deux choses :

D'abord, on a donné le même nom à ces notes.

Gee : « Une note à 440 Hz est un LA, mais une à 880 Hz est un LA aussi, une à 1760 Hz – soit 4 fois 440 Hz – aussi…  Mais aussi une note à 220 Hz, 110 Hz, à 55 Hz…  L'intervalle entre une note à une fréquence et une note au double de cette fréquence, deux LA par exemple, on appelle ça une octave. » Un graphique montre des ondes sinusoïdales à 220 Hz, 440 Hz, 880 Hz, 1760 Hz : à chaque fois, c'est un LA.

Ensuite, on en a déduit que l'oreille humaine avait une sensibilité logarithmique aux vibrations sonores :

Deux graphiques l'un sur l'autre. Le premier montre un piques sur chaque fréquence de LA sur une échelle linéaire (on voit que c'est de plus en plus espacé) ; le deuxième montre les mêmes piquess des fréquences des LA mais sur une échelle logarithmique (l'espacement entre chaque piques devient le même). Le smiley : « Une oreille humaine moyenne entend entre 20 Hz et 20 000 Hz, le LA le plus grave vibre donc à 27,5 Hz, et le plus aigu à 14 080 Hz.

Bon, on a pondu un paquet de LA, d'accord, mais qu'en est-il des autres notes ?

💡 Eh bien admettons par exemple qu'on prenne la fréquence moyenne entre les deux LA précédents, soit la fréquence du LA à 440 Hz multiplié par 1,5 (soit 3/2).

Gee : « Ça nous donne 660 Hz, et sans être aussi consonant qu'une octave, l'intervalle obtenu sonne très bien lorsqu'on joue les deux notes ensemble.  Spoiler : ça nous donne un MI, qui forme une « quinte juste » avec le LA. Comme l'échelle est logarithmique, on “l'entend” plus proche du LA aigu à 880 Hz que du LA grave à 440 Hz. » Un graphique en échelle linéaire montre un LA à 440 Hz, un LA à 880 Hz et un MI à 660 Hz, plus proche de 880 que de 440 du coup.

On peut répéter ce processus en partant cette fois du nouveau MI obtenu.

Gee : « 660 Hz multiplié par 1,5 nous donne un SI à 990 Hz, mais comme on peut indifféremment multiplier et diviser par deux sans changer de note, ramenons le dans l'octave de départ, à 495 Hz. » Un graphique montre dans l'ordre LA 440 Hz, SI 495 Hz, MI 660 Hz, LA 880 Hz. Le smiley : « Mais tu veux pas les faire dans l'ordre, les notes, au lieu de sauter de quinte en quinte ? »

Au bout de 12 fois, on retombe sur notre LA de départ…

Ou presque !

Gee : « En fait, la fréquence est légèrement plus élevée, à 446 Hz, on appelle ça la quinte du loup. Oui, parce qu'elle “hurle”. » Un loup est représenté hurlant « AAoouuuuuuuuhhh ! » au-dessus d'un graphique : le graphique montre chaque note, LA 440 Hz, LA# 470 Hz, etc. On voit un autre LA (?) à 446 Hz, juste à côté du premier.

On peut remarquer que les douze notes produites sont quasiment distribuées régulièrement sur notre échelle logarithmique…

Gee : « Ce “quasiment”, il nous ennuie un peu, parce que ça veut dire que si on refait ce petit manège en partant d'une autre note, on ne tombera pas exactement sur les mêmes fréquences…  Est-ce qu'on ne pourrait pas tricher un peu et les espacer vraiment régulièrement ? »

Pour espacer douze valeurs régulièrement, on prendrait normalement la différence entre le maximum et le minimum et on diviserait par douze… mais rappelez-vous qu'on est en échelle logarithmique !

Il ne faut pas que ce soit la différence entre deux valeurs qui soit constante mais le rapport : on doit donc trouver le nombre qui, multiplié 12 fois par lui-même, donne 2…

Ce nombre, c'est racine douzième de deux.

La Geekette a une illumination : « D'accooooooord, c'était donc ça ! » Gee : « Ah bah y'a une logique dans mes BD, des fois, faut pas croire. »

En multipliant la fréquence d'une note par racine douzième de deux, on tombe quasiment sur la note obtenue par l'enchaînement des quintes… tout en s'assurant de bien retomber sur la même note à l'octave suivante à la fin, sans quinte du loup, et en retrouvant les mêmes fréquences quelle que soit la note de départ !

Gee : « L'intégralité de la musique qu'on connaît aujourd'hui sonne donc en fait… un tout petit peu faux. » Un con hautain : « Tu m'étonnes, la musique actuelle c'est que d'la daube, de toute façon, pffeuuh. » Gee : « Oui, alors on estime que la gamme tempérée – qui utilise douze rapports égaux de racine douzième de deux – remonte au moins au XVI<sup>e</sup> siècle. Ça fait long, pour de la musique “actuelle”. »

💡 Et avant, on utilisait quoi ? Eh bien, par exemple, la gamme pythagoricienne, celle construite avec la succession de quintes…

Gee, avec une guitare électrique dans les mains : « Réaccorder les instruments à chaque changement de tonalité, j'vous raconte pas la galère… » La batteuse du groupe, les baguettes en l'air : « Alors dans mon morceau de métal progressif, il y a 5 changements de tonalité en 7 minutes, soyez sur le coup pour réaccorder entre deux notes… »

La gamme tempérée qui utilise racine douzième de deux nous simplifie donc grandement la vie, même si les fréquences des différentes notes ne s'accordent en réalité pas exactement entre elles…

Deux graphiques montrent les piques sur la gamme tempérée et ceux sur la gamme pythagoricienne. Le rapport moyen entre deux consécutives sur la gamme tempérée est de 1,059463 ; celui sur la gamme pythagoricienne est de 1,059488. Gee : « Heureusement, l'erreur est suffisamment faible pour ne pas être dérangeante à l'oreille. » Le smiley : « J'me demande s'il y a des puristes de la gamme pythagoricienne comme il y a des puristes de la musique non-compressée… »

💡 Pour finir, vous allez peut-être me demander… mais pourquoi a-t-on donc donné un nom simple à 7 d'entre ces 12 notes (do, ré, mi, fa, sol, la, si) et pourquoi les 5 autres sont-elles nommées avec des dièses (ou des bémols) ?

Gee : « Eh bien là, on s'éloigne un peu plus du domaine physique pour le domaine des conventions…  on a utilisé comme notes de base les 7 notes de la gamme de DO majeur.  Notez d'ailleurs qu'on utilise plutôt A, B, C, D, E, F, G dans les pays anglophones, en partant de A=LA et non DO…  Et qu'en notation germanique, B désigne un SI bémol, et c'est H qui désigne le SI. » Le smiley, blasé : « Ah ouais. On sent bien le côté “convention”, là… »

Bref, en théorie musicale, la limite entre physique acoustique et conventions, c'est un sujet qui n'est pas

Une portée montre les notes fa, si, la, do, mi, puis un nez est dessiné, ce qui donne le rébus : facile à dominer (« la limite entre physique acoustique et convientions, c'est un sujet qui n'est pas facile à dominer »). Note : BD sous licence CC BY SA (grisebouille.net), dessinée le 3 mars 2022 par Gee.

Publié le 4 mars 2022 par Gee dans Tu sais quoi ?

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