StopConneries
En ce moment, ça discute beaucoup autour de StopCovid, le projet d’application de traçage pour lutter contre la pandémie de COVID-19. J’apporte donc mon pavé dans la trogne mare sous forme d’une BD – un poil – énervée.
StopConneries
💡 Lorsque l'épidémie de COVID-19 a commencé à prendre de l'ampleur en France, on a pas mal vu circuler ce genre de blague :
Eh bien finalement, on n'est pas tombés si loin dans la lubie de solutionnisme technologique : ce sera une
APPLICATION POUR SMARTPHONE.
Le virus – c'est une information à mettre au conditionnel – serait apparemment en train de faire dans son froc.
▶️ L'application en question, StopCovid, servirait à tracer et stocker les déplacements des gens pour alerter les personnes ayant été en contact avec une personne malade lorsqu'elle est détectée.
Bien sûr, on nous rabâche déjà sur tous les tons que l'application sera respectueuse de la vie privée et basée sur le volontariat.
Et ce sera peut-être le cas.
⚠️ Mais pour combien de temps ?
⚠️ Et combien de temps avant que son usage soit généralisé ?
⚠️ Ou rendu obligatoire ?
⚠️ Et appliqué à des choses qui n'ont rien à voir ?
Rappelez-vous du compteur Linky et des inquiétudes qu'il a soulevées dès son annonce.
▶️ On saute directement au 4 avril 2020 et à ce tweet de Christian Estrosi, actuel maire de Nice, qui demande à utiliser les informations collectées pour détecter les logements occupés :
Alors je sais bien, demander des conneries, c'est un peu le hobby d'Estrosi depuis qu'il a arrêté la moto, et en l'occurrence, sa demande est irrecevable en l'état de la législation.
Sauf qu'une législation, ça se change.
Et en général, ça tombe bien, c'est même les Estrosi et consorts eux-mêmes qui la changent…
⚠️ Déjà, on va arrêter tout de suite avec les injonctions à mettre de côté nos principes : si votre éthique ne s'applique que quand tout va bien, ce n'est pas de l'éthique, c'est juste un joli costume pour faire chic en soirée.
Y'aura toujours une bonne raison de mettre de côté vos principes : la crise, la guerre, la croissance, etc. Donc stop.
💡 Ensuite, il faudrait peut-être démontrer qu'une telle appli serait efficace avant de sacrifier notre vie privée sur l'autel de la surveillance généralisée ?
⚠️ Surtout, l'étude de Science précise que l'appli en question serait uniquement efficace… couplée à une politique rigoureuse de dépistage.
Haha.
Alors j'veux pas péter l'ambiance, mais si le gouvernement veut pousser une app de ce genre, c'est justement parce qu'on n'a pas de politique de dépistage sérieuse…
Oui, ne rien faire, en général, c'est mieux que faire une connerie :
Un des problèmes majeurs de cette effervescence autour de StopCovid, c'est la croyance en une solution technologique magique qui va tout résoudre (ce qu'on appelle « solutionnisme »).
Et donc qu'il FAUT une solution numérique type appli, que c'est LA réponse nécessaire et suffisante.
⚠️ Sauf que le numérique, ça n'est pas de la magie, et que recourir à une telle technologie n'est jamais neutre, surtout quand les moyens humains ne suivent pas.
Il y a toujours un coût pour la société et pour ce que ça implique de transformation de ses membres.
Alors là, je suis d'accord : faut faire quelque chose.
▶️ La bonne nouvelle, c'est qu'on fait déjà pas mal de choses bien : déjà, ATTENDRE, être patient, parce qu'une épidémie ça prend du temps à se résoudre et il n'y aura pas de solution technologique miracle sortie du chapeau. Pendant ce temps : plan blanc dans les hôpitaux, mesures de confinement accompagnées de chômage partiel, etc.
Arrêter de tergiverser avec le confinement
– par exemple ne pas rouvrir les écoles mi-mai dans l'espoir idiot de renvoyer bosser tout le monde au mépris de l'effet rebond –
voilà déjà une première chose qu'on pourrait faire.
Macron nous a fait bouffer son « nous sommes en guerre » 10 fois de suite lors du premier discours sur le confinement.
▶️ Si nous sommes en guerre, alors passons à une économie de guerre : réquisitionnons les usines pour produire des masques et des respirateurs, comme on réquisitionnait les usines pour produire des obus.
▶️ Si nous sommes en guerre, alors lorsque ce sera terminé, il faudra révolutionner notre système de protection sociale en socialisant des pans entiers de l'économie comme on l'avait fait en 1945.
(Dans un pays alors ruiné, hein, pour calmer les gourous du « on-a-pas-les-moyens-faut-l-austérité ».)
Seulement, la vérité, c'est que nous ne sommes pas en guerre.
⚠️ Nous sommes dans une crise sanitaire face à laquelle le modèle néolibéral poussé par les pouvoirs politiques et médiatiques depuis plus de 30 ans nous a rendus très impuissants.
Et c'est pas comme si ça faisait plus de 30 ans que beaucoup le savent et tirent la sonnette d'alarme.
▶️ Pour avancer, il faudrait déjà que les tenants de ce modèle admettent leur faillite morale et intellectuelle, reconnaissent que les baisses de financement de la recherche, la généralisation de l'économie de marché, des pratiques managériales de l'entreprise et de la gestion en flux tendu aux services publics étaient d'énormes conneries, s'excusent, soient jugés et punis et débarrassent le plancher.
Là, on pourrait peut-être commencer à discuter sérieusement.
Voilà, tout ça, ce serait un bon début.
D'autant plus que la crise du COVID-19 est une sympathique promenade de santé à côté de ce qui nous attend avec le réchauffement climatique.
Je sais, une app, c'est plus simple, et ça rassure, pi ça donne l'impression qu'on agit pour pas trop cher.
⚠️ Ne nous faisons pas d'illusion, les suppressions de lit dans les hôpitaux du Grand Est ont été confirmées, et il serait illusoire de penser que tout ce merdier ne repartira pas de plus belle sitôt la crise passée.
Alors pour l'heure, le mieux à faire, c'est de se préparer à affronter ça.
Sources :
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Quantifying SARS-CoV-2 transmission suggests epidemic control with digital contact tracing (Science)
-
Les Jours heureux / Programme du Conseil national de la Résistance (Wikipédia)
🛈 Si vous avez aimé cet article, vous pouvez le retrouver dans le livre Grise Bouille, Tome V.