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Tapis rouge pour un dictateur à Nice

Publié le 29 mars 2019 par Gee dans La fourche
Inclus dans le livre Grise Bouille, Tome IV

C’est l’heure de la BD catharsis. L’avantage de se taper des bouchons un dimanche soir à 22h30 à l’entrée de Nice, c’est que ça laisse du temps pour réfléchir à comment caricaturer l’histoire (et y’a pas besoin de chercher bien loin). J’vous préviens : ça va être gratiné.

Tapis rouge pour un dictateur à Nice

💡 Laissez-moi vous raconter une histoire. Elle se passe le dimanche 24 et lundi 25 mars 2019, à Nice, et comporte deux protagonistes.

Tout d'abord, le président de la Chine, Xi Jinping :

Jinping dit : « Ni hao. » Gee précise : « Comme c'est un peu compliqué à prononcer, nous l'appellerons Winnie l'Ourson. » Le smiley commente : « On m'a dit qu'il adorait ce surnom. »

Ensuite, le président de la France, Emmanuel Macron :

Macron dit : « Salut, les sent-la-pisse. » Gee : « Comme c'est un peu long à prononcer, nous l'appellerons Louis XVI. » Le smiley : « Moi je l'aurais appelé Adolphe Thiers, mais c'est toi qui vois. »

💡 Un jour, Winnie l'Ourson fut reçu en France, dans la ville de Nice. Il demanda à privatiser le luxueux hôtel du Negresco. Les propriétaires ne lui accordèrent que deux étages.

Winnie pleure : « C'est trop inzuste. » Gee commente : « “Privatiser” un hôtel de luxe pour le bon plaisir du dirigeant d'un pays qui se réclame du communisme, vous apprécierez l'ironie. »

Louis XVI, de son côté, avait dans l'idée de taxer un peu de thunes à Winnie (qui est blindé), et contrairement aux proprios du Negresco, n'opposa pas beaucoup de résistance à ce que l'on pourrait pudiquement nommer « un léchage de fion en règle ».

Louis lèche le cul de Jiping qui dit : « Dis donc, ça gratte, ces dents qui rayent le parquet… Hihi ! » Louis répond : « Pardon, mon doux seigneur. » Le smiley, blasé : « Ouais, ça c'est la version pudique. »

▶️ On privatisa donc TOUTE la Promenade des Anglais en y interdisant toute circulation (vélo compris). Winnie se sentait sans doute à l'étroit dans ses deux étages du Negresco.

Et on en profita pour envoyer la police française frapper aux portes pour vérifier si y'avait pas, dans l'coin, des gens hostiles à Winnie (de dangereux extrémistes de types pro-tibétain, pro-liberté d'expression ou juste allergique aux baltringues de dictateurs), au cas où, comme ça, pour voir.

Une femme répond à un flic à sa porte : « Ficher des opposants politiques à un dictateur étranger ? C'est sympa l'ambiance, dans la France de 2019. » Le flic : « Si tu préfères aller te balader, les collègues chargent des vieilles de 73 ans pas loin.  Toujours contente d'avoir fait barrage ? »

⚠️ Bon, estimons-nous heureux : à Monaco, les habitants eurent carrément interdiction d'ouvrir leurs fenêtres et d'aller sur leurs balcons et terrasses.

Oui, carrément.

Gee commente : « Bon, les gars, si vous voulez remettre en cause la propriété privée, moi j'suis totalement pour qu'on mette le sujet sur la table.  Par contre, perso, je serais pour m'attaquer en priorité à la propriété lucrative des moyens de production.  Et pas pour aller faire chier les gens en leur interdisant d'aller où ils veulent *chez eux*. » Le smiley, fier, larme à l'œil : « I'm so Proudhon'f you. »

Alors je sais bien que dérouler le tapis rouge à des gros cons de dictateurs, c'est un peu une tradition en France (pour Monaco, j'sais pas).

Si on pouvait éviter, en plus, d'importer leurs coutumes totalitaires, ce serait chouette.

Louis et Winnie trinquent au champagne, Louis dit : « Faut reconnaître, vous, vous êtes pas emmerdés par ces espèces de bobos droit-de-l'hommistes ! » Winnie : « J'te l'ai toujours dit, gros, t'es trop souple ! Les yeux crevés et les mains arrachées, c'est petit joueur ! Prends ma main, et Tian'anmen*. » Le smiley : « L'histoire ne dit pas si, à l'issue de l'entretien, Louis XVI a trouvé une forme de sagesse… »

Jeu de mot piqué au groupe Eiffel dans la chanson Libre, un groupe qu'il est bien.

▶️ Bien sûr, Louis XVI étant le monarque absolu, il n'a pas non plus hésité à faire complètement fermer l'autoroute A8 sur 40 km ainsi que les lignes de train dès que son pote Winnie et lui voulaient aller bouffer une glace quelque part dans les environs de Nice.

Après tout, il est chez lui.

C'est le Roi.

La France, c'est son « fief ».

Il peut en disposer comme il veut.

Une diapo de question du code la route. « Il y a des bouchons sur l'autoroute : A. Je ralentis et je mets les warnings ; B. Je klaxonne ; C. Je prends l'hélico parce que j'ai les moyens ; D. Je fais fermer l'autoroute et je fais passer 4 heures dans les bouchons à des milliers de conducteurs qui voulaient juste rentrer de week-end. » Louis regarde et dit : « Oulah, y'a un piège, non ? »

Question blocage, les gilets jaunes sont des petits joueurs : piéger des milliers de personnes sur les routes (en saturant l'intégralité du réseau routier), supprimer les transports en commun, rendre quasi-impossible l'accès à la ville, forcer les poids-lourds à faire demi-tour de chaque côté…

Des ambulances immobilisées partout, des rendez-vous médicaux manqués, des gens désespérés à pied sur l'autoroute pour essayer de rejoindre l'aéroport avant que leur avion ne parte, du jamais-vu de mémoire de 107.7 FM…

Mais Winnie a pu bouffer sa glace avec Louis et Marie-Antoinette à Beaulieu-sur-Mer, alors tout va bien.

Gee demande : « Du coup, vu la paralysie totale de la région, vous avez rendu le lundi férié, ou comment ça se passe ? » Louis rigole : « Haha ! Bah non, tu vas bosser, sale feignasse, tu te démerdes pour y aller quand même. » Gee : « Je m'disais aussi… »

▶️ En plus d'importer ses coutumes totalitaires, Winnie aura donc aussi permis à pas mal de péquins de goûter à un doux air de gasoil rappelant celui de Pékin.

Mais que sont les galères de gens qui voudraient juste vivre tranquillement face aux déplacements de 2 guignols mégalomanes et paranoïaques ?

Winnie demande : « Ça les dérange pas trop, tes serfs, avec leurs vies de merde, cette débauche complètement disproportionnée de moyens, juste pour mon p'tit cul ? » Louis : « Boh, tu sais, mon premier ministre a déjà claqué 20 ans de SMIC pour un voyage en avion, ils sont assez habitués à ce qu'on leur crache à la gueule. » Le smiley : « V'là le sens de la mesure des gars qui se la racontent “on est pragmatiques et efficaces”. #StartUpNation »

💡 Fort heureusement, tout ce cirque n'aura pas été vain : la Chine a commandé dans la foulée 290 avions à la compagnie Airbus.

Je contiendrai donc ma joie et me contenterai de vous citer Blur :

Gee, avec un chapeau de fête, l'air complètement blasé, fait : « Wouhou. » Le smiley, avec une guitare électrique, à fond : « ON-PISSE-AU-CUL- DU-CLIMAAAT ! WOUUUUHOU ! »

Une façon assez concise de résumer cette affaire serait la suivante :

Louis dit : « On a estimé le prix de votre liberté d'expression, de votre tranquillité et de votre liberté d'aller et venir.  Eh bah sans surprise, c'est moins que le prix de 290 avions.  Bisous les connards. »

⚠️ Si je me permets de mettre cette histoire en BD, c'est que je trouve qu'on en a trop peu entendu parler.

Sans doute parce que ça se passe à Nice et que Paris, où sont basés les grands médias d'information, est une province trop reculée qui n'a pas encore été raccordée au réseau téléphonique et Internet.

Gee, sur la plage, dit : « Y m'fatiguent, ces bouseux de parisiens. Oh les gars, c'est le XXIe siècle, hein, faudrait traverser le périph', des fois. » Le smiley, sur un petit bateau : « Essayez à pied.  Frissons garantis. »

En parlant du périph', imaginez deux secondes que Louis XVI ait décidé de le fermer intégralement pour emmener Winnie l'Ourson à Disneyland… ou que les condés aient fait le tour des Champs-Élysées pour demander si, par hasard, vous étiez pas anti-dictature.

▶️ Eh bah ça, c'était plus ou moins l'ambiance sur la Côte d'Azur le week-end dernier.

Gavroche au volant d'une bagnole : « L'A8 est un parking ! C'est la faute à Jinping !  Les niçois l'ont dans l'fion ! C'est la faute à Macron ! »

💡 En tout cas, si d'aventure Louis XVI souhaitait neutraliser à nouveau toute une portion de nos lieux de vie pour accueillir une énième tête-de-nœud de dictateur, je suggère qu'en retour, on socialise l'Élysée.

Et j'aime autant vous dire que ce sera pas pour bouffer des glaces.

Le smiley dit : « C'est marrant, m'est avis que la branche anar' du communisme ne plairait ni à Winnie l'Ourson, ni à Louis XVI… » Note : BD sous licence CC BY SA (grisebouille.net), dessinée le 28 mars 2019 par Gee.

Publié le 29 mars 2019 par Gee dans La fourche

🛈 Si vous avez aimé cet article, vous pouvez le retrouver dans le livre Grise Bouille, Tome IV.

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