Annonce : vous pouvez désormais vous abonner par mail au blog !

Toutes choses égales par ailleurs

Publié le 27 septembre 2021 par Gee dans Tu sais quoi ?

Quelques explications sur cette expression que vous avez peut-être déjà rencontré… On commence par de la science, mais peut-être bien qu’on va causer politique sur la fin (sans vouloir spoiler).

Toutes choses égales par ailleurs

💡 En sciences physiques, il y a une expression qui revient souvent : « toutes choses égales par ailleurs ».

Le Geek, se creusant la tête devant une feuille de papier : « Il y a aussi l'expression “putain de bordel de merde, mon équation est pas homogène, où est-ce que j'ai déconné” qui revient souvent. » La Geekette, elle aussi en train de travailler : « Mais ça c'est parce que t'es nul. »

Cette phrase signifie que lorsque l'on étudie les effets de la variation d'un paramètre sur un phénomène physique, on prend en général soin de fixer les autres paramètres, sinon on peut facilement conclure des conneries.

Le Geek, passager dans une voiture, l'air content de lui : « Tu vas beaucoup plus vite aujourd'hui en Twingo que moi hier en Rolls-Royce. J'en conclus que la Twingo est un véhicule plus rapide que la Rolls-Royce. » Une flèche pointe sur cette réplique et indique : « Là, il étudie la vitesse en variant le véhicule… » « La Geekette, conductrice, le regarde en coin en souriant d'un air narquois : « Hier, t'étais dans les bouchons sur une route de montagne, là on est sur une autoroute à 3 h du matin… et c'est plus la même personne qui conduit…  Et d'abord, depuis quand t'as une Rolls, toi ? » Une seconde flèche pointe sur cette réplique et dit : « … mais il a oublié de fixer les autres paramètres et en tire donc des conclusions toutes pétées. »

Prenons un exemple simple : l'équation des gaz parfaits.

Gee, rassurant : « Si si, j'vous assure, c'est simple. » Une équation indique : « PV=nRT », soit pression × volume = quantité de gaz × (constante) × température. Le smiley, hilard : « Moi j'viens d'lâcher un gaz, il était parfait MOUARF MOUARF MOUARF. » Une flèche pointe sur le smiley et dit : « Dédramatisation de la science par de l'humour gras »

💡 Que nous dit cette formule ? En gros, que si vous prenez une certaine quantité gaz (parfait, mais ne vous attardez pas sur le mot), le volume que prend ce gaz multiplié par sa pression est proportionnel à sa température.

Gee : « Par exemple, j'ai une bouteille en verre – rigide, donc avec un volume fixe – fermée, avec un gaz à l'intérieur.  Si je fais chauffer cette bouteille, la pression augmente à l'intérieur.  Toutes choses égales par ailleurs, car la quantité de gaz et le volume ne changent pas. » Une bouteille en verre fermée est posée sur une plaque de cuisson. Dans « PV=nRT », P, V, n et R sont des constantes. Donc P=aT, avec a=nR/V qui est une constante, donc P et T augmentent tous les deux.

Gee, en train de serrer la main sur une bouteille : « Si au contraire, je prends une bouteille en plastique à température ambiante et que j'appuie dessus, le volume se réduit et donc la pression à l'intérieur augmente.  Toutes choses égales par ailleurs, car la quantité de gaz et la température ne changent pas. » Dans PV=nRT, n, R et T sont constantes. Donc P=b/V, avec b=rRT qui est une constante, donc V diminue quand P augmente.

Une erreur courante consiste à considérer « toutes choses égales par ailleurs » quand elles ne le sont pas…

Gee, devant une bouteille en plastique sur la plaque chauffante : « Là, si je fais chauffer une bouteille en plastique, ce serait une erreur de croire qu'il n'y a QUE la pression qui augmente et pas le volume également… » La Geekette, inquiète : « Si ça continue, on va avoir du volume partout sur nous d'ailleurs…  Mais c'est un autre problème… »

Prenons un autre exemple totalement fantaisiste et sans aucun rapport avec le genre de choses qu'on pourrait entendre régulièrement dans les médias :

Un politicien au micro à la radio : « Au bout d'un moment, on va pas s'mentir, si vous voulez que les entreprises embauchent, hein, il faut baisser le coût du travail, voilà, y'a pas de mystère. » La présentatrice, stupéfaite : « Bon Dieu, Jean-Mi, c'est une idée inédite !  Quel génie vous faites ! »

Le truc là, c'est que Jean-Mi raisonne « toutes choses égales par ailleurs »… alors que, précisément, elles ne le sont pas.

Gee, lisant un livre : « D'après mon dictionnaire Faux-Cul/Français, “baisser le coût du travail” signifie “baisser les salaires*”.  Et au risque de vous surprendre, c'est le salaire des gens qui leur permet de consommer ce que produisent les entreprises…  Donc globalement, baisser les salaires, c'est baisser la solvabilité de la clientèle, ce qui en général fait plutôt baisser l'activité des entreprises et donc baisser les embauches… » La Geekette, blasée : « Tu veux dire que les patrons qui voudraient un monde constitué de salariés payés infiniment peu et de clients infiniment solvables sont complètement cons ? Roooh… »

Avant que le Thatcher-fan-club ne ramène sa fraise, je me permets de lui préciser que « baisser les chââârges », c'est aussi baisser le salaire : le pognon que tu mets pas pour l'hôpital ou la retraite via des cotisations, ton travailleur ou ta travailleuse devra le sortir de sa poche à un autre moment.

Et je passe sur les autres paramètres qui peuvent changer, comme le fait, au hasard, que l'argent économisé puisse partir en dividendes supplémentaires et non en embauches…

Le smiley, cynique : « Franchement, t'es mauvaise langue…  À mon avis, ça n'arrive jamais. »

Ce même enfumage de considérer « toutes choses égales par ailleurs » quand elles ne le sont pas se retrouve aussi dans le discrédit de toute proposition en rupture avec le système capitaliste actuel :

Une militante écolo à la radio : « J'pense qu'il faut aller vers la décroissance, avec plus de sobriété, en consommant moins et mieux… » Le présentateur : « Non mais vous êtes en pleine science-fiction ! Vous pensez que les gens vont bien vouloir arrêter d'acheter un smartphone neuf tous les deux ans ?  Ou de prendre des avions low-cost pour aller en vacances à l'autre bout du monde ? »

Ici, l'interviewer suppose qu'on veut baisser la consommation sans rien changer d'autre, ce qui effectivement risque d'être mal reçu.

Un mec en colère : « J'me crève pas le cul sept heures par jour, avec deux heures de bouchons en prime, pour en plus devoir me restreindre sur les loisirs… » Gee indique : « La surconsommation et l'augmentation régulière des loisirs polluants est aussi le résultat – et même la carotte – d'un rythme de vie au service de l'augmentation constante de la production, la fameuse croissance… »

Alors qu'une baisse de la consommation, ça veut aussi dire une baisse de la production, ce qui pourrait éventuellement se traduire, soyons fous, dans un monde occidental gangrené par les burn-outs et le stress chronique, par une amélioration des conditions de vie… même en diminuant le confort matériel…

Gee propose au mec en colère : « Ouais mais imagine que, tout en consommant moins, on passe à la semaine de quatre jours et on ajoute deux semaines de congés payés ? » Le mec, moins en colère : « Ah ? » Le politicien du début arrive en panique : « Euuuh, oui mais non, grmmppfhh valeur travail tout ça, euuuh, pi komenkonvapayer pi euuh… »

C'est ce genre de raisonnement à sens unique qui, à mon sens, a mené au mouvement des Gilets Jaunes :

Le présentateur radio réac : « Tsss, non mais voilà, vous voyez bien que les gens sont pas prêts pour l'écologie : on fait une taxe sur les carburants, et PAF, ça gueule ! » La militante écolo : « Bah oui mais il aurait peut-être fallu compenser ça en diminunant la dépendance à la bagnole de tout le monde ? Par exemple, encore une fois, en réduisant le nombre de jours travaillés, etc.  Là vous voulez juste baisser le niveau de vie des gens “toutes choses égales par ailleurs”… Continuer à leur faire tourner la machine au même régime tout en en récoltant moins de fruits… forcément, ça passe moyen. »

Pour conclure, toute mesure anti-capitaliste ne peut qu'être nulle et non avenue si elle est considérée « toutes choses égales par ailleurs »…

Parce que ce n'est pas un petit paramètre qu'il faut varier sans toucher au reste.

C'est tout le foutu système qu'il faut renverser.

Le Geek : « Ça fait longtemps qu'on fait monter la pression sur les gens, et ça chauffe de plus en plus… » La Geekette, avec un sourire : « Tu parles toujours de l'équation des gaz parfaits, là ? » Le Geek : « L'équa-quoi ? » Note : BD sous licence CC BY SA (grisebouille.net), dessinée le 27 septembre 2021 par Gee.

Publié le 27 septembre 2021 par Gee dans Tu sais quoi ?

Soutenir

Ce blog est publié sous licence libre, il est librement copiable, partageable, modifiable et réutilisable. Il est gratuit car financé principalement par vos dons. Sans inscription, vous pouvez très simplement me soutenir :

Pour l'année 2023-2024, 9 796 € ont pour l'instant été collectés sur un objectif annuel de 21 000 € (SMIC brut), soit 47 % de l'objectif :

Sources de revenu

L'année étant entamée à 65 %, il y a actuellement un retard de 3 854 € sur l'objectif.

Avancement de l'année

Vous pouvez également, si vous le souhaitez, passer par une plateforme de financement participatif :