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Voyage en numérique

Publié le 9 mai 2019 par Gee dans Tu sais quoi ?
Inclus dans le livre Grise Bouille, Tome IV

Aujourd’hui, on fait le point sur ce qu’est le numérique, et pourquoi c’est chouette.

(Pour le point sur « pourquoi on dit numérique et pas digital », j’en ai déjà assez parlé.)

Voyage en numérique

Je vous cause assez souvent de technologies numériques.

Faut dire que c'est mon truc, le numérique : je suis développeur informatique, je passe un temps assez considérable à faire tout un tas de trucs avec des ordinateurs.

À commencer par ce genre de BD.

La Geekette interpelle Gee : « Attends, tu veux dire que t'es le genre de mec à avoir tenu un blog qui s'appelait “Le Geektionnerd” ? » Gee, évasif : « Franchement, ça, c'est des rumeurs. » Le smiley commente : « Les mêmes rumeurs qui disent que Gee a eu 30 ans le mois dernier et Le Geektionnerd 10 ans. Ça nous rajeunit pas… »

Comme c'est peut-être pas clair pour tout le monde, expliquons ce que désigne le mot numérique.

💡 On parle de technologies/supports/formats numériques par opposition aux technologies/supports/formats analogiques.

La Geekette explique : « Si je stocke un signal tel qu'il se manifeste, de manière analogue en quelque sorte, c'est un stockage analogique. Si au contraire, je le convertis d'abord en nombres et que je stocke ces nombres, c'est un stockage numérique. » Un mec lambda, dubitatif : « Euuuuh, okay. Et psychologique, c'est tout ce qui est à la campagne ? »

La Geekette poursuit : « Bah par exemple, un son est une onde : si je stocke cette onde directement (sur le sillon d'un disque vinyle par exemple), c'est analogique. Si j'encode ce son comme une série de nombres – dans un format comme WAV, FLAC, OGG, MP3… –, alors c'est un signal numérique. » Le mec lambda commence : « Aaaah, mais le MP3 c'est de la m… » Gee le coupe en lui mettant un pain : « AH, MAIS LA FERME ! »

Pour convertir un signal analogique en numérique, on échantillonne (on regarde à différents endroits) et on quantifie (on associe un nombre à la valeur prise par le signal à chacun de ces endroits).

La Geekette explique : « Plus on a un échantillonnage et une quantification fines, plus le signal est fidèlement stocké. » On voit un signal analogique avec un échantillonnage grossier qui ne reproduit pas bien toutes les variations, un échantillonnage plus fin qui est plus fidèle. Le smiley précise : « La quantification, c'est le même principe mais le long de l'axe vertical, en gros. »

Bien sûr, puisqu'on passe d'un signal analogique continu à un signal discret (on ne prend que des échantillons de la courbe), on perd de l'information.

Gee regarde un signal numérique et réfléchit : « Mmmmh, je pense que ce signal numérique correspond au signal analogique A… mais en même temps, le signal B aurait la même représentation numérique avec les mêmes échantillonnage et quantification. » Le signal analogique A suit assez fidélement le signal numérique, mais le B zigzag beaucoup entre chaque échantillon. » Le smiley dit : « Notez qu'il faudrait être un sacré sagouin pour échantillonner B comme ça… »

Comment faire, alors, pour s'assurer de ne pas perdre d'informations ?

(Ou, au moins, ne pas perdre d'informations perceptibles par l'être humain.)

C'est là qu'interviennent deux héros des temps moderne, j'ai nommé…

Shannon & Nyquist ! On voit un gros panneau « Shannon & Nyquist » avec les deux hommes représentés façon héros de série d'action. Une musique passe : « Shannon et Nyquist ! Nanananaaaa ! Pour échantillonner, c'est eux les plus forts ! Shannon et Nyquist ! Yea-yea-yea-yea-yeaaah ! Ils ont un théorème, et il vaut de l'or ! Shannon et Nyquist ! Wooouuuuuh ! » Le smiley se moque : « Pour des héros des temps modernes, le générique fait vachement daté, quand même… »

Pardon, je m'emporte un peu…

En vrai, Shannon et Nyquist n'ont pas travaillé ensemble mais ont chacun posé les bases d'un même théorème : comme Nyquist l'a fait plus tôt (en 1928) mais que Shannon l'a fait de manière plus rigoureuse et complète (en 1960), par simplicité, on parle de théorème de Shannon-Nyquist (appellation débattue, forcément).

La Geekette explique : « En gros, le théorème dit que pour restituer un signal correctement, il faut que l'échantillonnage soit au moins 2 fois supérieur à la plus haute fréquence. Ce qui explique que les formats de musique commerciaux soient souvent échantillonnés à 44 000 Hz, vu que l'oreille humaine n'est pas sensible aux sons au-dessus de 20 000 Hz environs. »

Une fois le signal échantillonné correctement, il ne reste donc plus qu'à reconstituer un signal analogique pour le diffuser / l'afficher de manière intelligible pour les sens humains.

Le mec lambda demande : « Donc en gros. » Gee répond : « Oui ? » Le mec : « Vous vous embêtez à échantillonner un signal analogique qu'a rien demandé à personne. » Gee : « C'est ça. » Le mec : « Tout en vous prenant le chou avec le théorème de Sharon-Machin. » Gee : « En effet. » Le mec : « Pour finir par REFAIRE le même signal analogique qu'au début, celui auquel vous auriez pu juste foutre la paix ? » Gee : « Tout à fait. »

Le mec lambda : « Vous avez vraiment que ça à foutre ? » Gee est blasé. Le smiley répond à sa place : « La réponse honnête est “oui”, mais Gee va encore essayer de nous enfumer avec ses explications. »

Vous vous doutez bien qu'on ne s'amuserait pas à faire tout cela s'il n'y avait pas des avantages…

On peut en citer deux principaux.

Tout d'abord, le fait de stocker n'importe quelle information sous forme de nombres (image, son, texte, vidéo, peu importe) permet de mutualiser tout ce qui tourne autour : algorithmes de compression, périphériques de stockage, etc.

1990. Une femme au milieu de piles de cartons réfléchit : « Alors, j'ai les cassettes audio, j'ai les cassettes vidéos, j'ai mes pellicules photo, j'ai mes bouquins… C'est bon, je suis parée pour mon déménagement. »

2019. La même avec une petite boîte dans la main : « Alors, j'ai mon disque dur… » Le smiley commente : « Notez qu'on a du même coup considérablement réduit la taille physique du stockage, mais ça c'est un bonus. »

Surtout, le numérique permet de rendre la qualité d'une information drastiquement plus robuste à la dégradation de son support physique.

La Geekette explique : « Tout support se dégrade avec le temps. Sur un support analogique, ça veut dire que l'information se dégrade également. » On voit un signal analogique se dégrader sur le côté. Elle poursuit : « On a des techniques pour “nettoyer” un signal analogique dégradé – supprimer les craquements d'un vinyle, par exemple – mais on ne retrouve jamais l'information perdue. On ne fait que des suppositions. » On voit un signal analogique dégradé nettoyé : « On peut lisser la courbe pour supprimer le bruit, mais on risque aussi de lisser des hautes fréquences qui ne sont pas du bruit. »

💡 Les fameux « nombres » du numérique sont stockés en binaire, ce qui signifie qu'il n'y a que deux signaux possibles à stocker : 0 et 1.

La Geekette dit : « Du coup, même si le support est hyper-dégradé, statistiquement, on peut en général retrouver l'information 0 ou 1… et la recopier, au propre, sur un support neuf. Sans perte ! » On voit un signal numérique, et le même dégradé : même dégradé, on repère assez bien où sont les 0 et les 1 et on peut reproduire un signal numérique propre par déduction. Le smiley commente : « On a même des techniques de stockage qui permettent de vérifier l'intégrité de l'information qu'on lit, vu que la dégradation peut quand même transformer un 0 en 1 ou un 1 en 0 à la longue… »

Et ça, c'est un truc magnifique, parce que ça veut dire qu'on peut copier une information numérique à l'infini sans jamais perdre de qualité.

Un connard cravaté dit : « Magnifique, magnifique… ça a beaucoup contribué à flinguer l'industrie du disque, cette copie illimitée ! Napster, tout ça… » Gee, blasé : « Napster, c'était en 1999. Vous êtes vachement vigoureux, pour des machins crevés depuis 20 ans. » Le smiley : « Qu'est-ce tu veux… c'est coriace, les sangsues. »

Pour peu que l'on fasse des copies régulièrement, l'intégralité de ce qui a été numérisé aujourd'hui pourra être préservé pour des millénaires.

Gee pense tout haut : « Là, c'est le moment où on fait le calcul de l'énergie nécessaire à la maintenance des supports et qu'on se rend compte qu'avec l'effondrement de la civilisation industrielle à venir, nos jolies copies numériques inaltérables risquent d'en prendre un coup ? » Le smiley : « Voilà, il s'était retenu mais faut encore qu'il pète l'ambiance ! »

La question de la pérennité de supports de haute technologie dans un monde post-industriel est en effet loin d'être secondaire. Si la technologie se perd, on peut imaginer qu'un archéologue du futur aura plus de facilités à lire un livre qu'un fichier EPUB perdu dans un circuit intégré…

La Geekette, à côté d'un mur en pierre sur lequel ont été gravés des 0 et des 1 à moitié effacés : « Après, techniquement, le numérique et la haute technologie micro-électronique ne sont pas indissociables. Si les gens de Lascaux avaient gravé leurs bisons en bitmap avec des 0 et des 1 à la main, ça aurait été une information numérique low tech qui aurait traversé les millénaires. Avec les mêmes avantages : l'altération de la roche aurait été la même, mais on aurait sans doute pu reconstituer l'image sans perte.

Dans l'immédiat, le numérique reste bel et bien un atout pour l'humanité. Bien malin qui peut prédire comment cela évoluera.

Et pourtant, malgré ma passion pour le numérique, je garde une place spéciale dans mon coeur pour les technologies analogiques…

Gee conclue en souriant : « Et ça, ce sera le sujet de ma prochaine BD ! » La Geekette lui demande, taquine : « Et est-ce que les lecteurs et lectrices la recevront par la poste en version imprimée, Môssieur Analogique ? » Gee : « Roh ça va… » Note : BD sous licence CC BY SA (grisebouille.net), dessinée le 8 mai 2019 par Gee.

Publié le 9 mai 2019 par Gee dans Tu sais quoi ?

🛈 Si vous avez aimé cet article, vous pouvez le retrouver dans le livre Grise Bouille, Tome IV.

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