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L’analogique, c’est magique

Publié le 12 juillet 2019 par Gee dans Tu sais quoi ?
Inclus dans le livre Grise Bouille, Tome IV

Cet article est plus une éloge de l’analogique plus qu’un véritable article de vulgarisation… mais c’est la suite de celui qui parlait de numérique, alors ça me semblait normal de le ranger dans cette catégorie.

L'analogique, c'est magique

La dernière fois, je vous avais raconté pourquoi le numérique était une technologie fantastique, par opposition aux technologies analogiques et à leurs défauts inhérents.

Une femme récite, le doigt levé : « Le numérique est un mode de stockage unifié pour les informations et œuvres de l'esprit. Il permet une duplication sans perte à l'infini et une mutualisation des périphériques de stockage et algorithmes de traitement. » Gee : « Pardon, mais qui êtes-vous, madame ? » Elle répond : « Je suis le Docteur Priviousli. Je m'occupe de résumer ta dernière BD. » Gee : « On donne vraiment des doctorats à n'importe qui, de nos jours… » Le smiley, blasé : « D'habitude, on attend la fin de la BD pour introduire des personnages débiles. »

Aujourd'hui, je vais pourtant vous expliquer pourquoi, malgré tout…

J'adore les technologies analogiques.

Je trouve qu'il y a quelque chose de beau, de presque poétique dans l'ingéniosité développée par l'être humain pour fixer ce qu'il perçoit sur des supports physiques.

💡 Imaginez-vous la scène suivante :

Un moustachu devant un tableau où il a dessiné une onde sur un graphique. Il demande à sa collègue : « Bon, on est d'accord que le son est une onde, comme ça ? » Elle : « Ouais. » Lui : « Eh bah mettons qu'on grave cette onde sur une planche et qu'ensuite, on fasse passer une petite pointe dessus à la même vitesse que celle de l'onde. » Elle : « La pointe va vibrer comme l'onde, oui. »

Le moustachu, un cornet de glace à la main : « Maintenant, disons qu'on attache un truc de ce genre à la pointe, pour faire résonner les vibrations et les amplifier… Est-ce qu'on ne pourrait pas imaginer que ça créerait un son identique à celui de l'onde d'origine ? » Sa collègue, dubitative : « Si.  Encore que le cornet de glace ne me semble pas le plus adapté des matériaux… »

Le moustachu, désolé : « Il y a juste un souci… pour pouvoir graver quelques minutes de musique, il va nous falloir une planche de plusieurs dizaines de mètres…  Pas pratique à stocker sur une étagère. » Sa collègue, pensive : « Attends, j'ai une idée. J'vais peut-être dire une connerie, hein, mais… et si…  Tout simplement… »

Elle s'exclame en tournant le doigt en l'air : « ON L'ENROULAIT, ta planche ?  Autour d'un axe, comme ça, en spirale, si tu veux. Ça formerait une sorte de…  DISQUE ? » Le moustachu est stupéfait, et le smiley commente : « Roll credits. »

Le disque audio était né !

Bien sûr, je romance un peu, ça ne s'est sans doute pas passé exactement comme ça.

N'empêche, un disque vinyle, ça n'est jamais que la gravure de l'onde audio enroulée autour d'un axe, parcourue par une tête de lecture reliée à un système d'amplification. Et ça, c'est un peu magique.

Ça fait partie des raisons pour lesquelles j'adore les vinyles.

Gee précise : « Non, j'vais pas me la raconter genre “le son est meilleur, blablabla”. Si vous avez lu mon article sur la compression destructive type MP3/OGG*, vous savez que j'en ai rien à carrer. » La Geekette en remet une couche : « D'autant plus que la réputation du vinyle est en fait à relativiser. Le son d'un vinyle sonne plus “chaud”, plus “rond” surtout parce que les aigus sont moins bien reproduits que les graves avec l'inertie de la tête de lecture.  Ce qui est donc plutôt une dégradation du signal d'origine. » Le smiley s'alarme : « Ah ? On est repartis dans l'attaque frontale de communautés chatouilleuses ?  C'est courageux. »

Voir Une pinte de compression.

💡 Non, je crois que ce qui me plaît, c'est ce que l'objet est en lui-même : une empreinte physique de la musique, tout simplement.

Tout le rituel de réglage de la vitesse de lecture, du placement de la tête de lecture, etc., rend très tangible et très perceptible le mécanisme même qui produit le son. Beaucoup plus qu'un CD ou un fichier audio qui nécessitent des systèmes d'encodage/décodage numérique et dont le mode de stockage est complètement décorrélé du fait que ce soit un son.

Gee s'amuse : « C'est bien pour ça qu'on a des CD de données mais pas des vinyles de données*. » La Geekette, un vinyle de Windows 95 à la main : « Alors que ça aurait pu être marrant. » Le smiley : « Si t'as un Écran Bleu de la Mort à chaque craquement du vinyle, ça va pas être très sta…  ah bah non, ça va être aussi stable que la version CD. »

En vrai, ça a quand même été tenté, sans beaucoup de succès.

Ce qui est aussi fascinant, c'est à quel point le support peut façonner l'art, ce qui explique que la plupart des disques des années 70 faisaient dans les 40 minutes et des brouettes, durée standard sur un disque 33 tours LP.

(LP = long play, terme encore utilisé pour les albums actuels même s'ils ne sont plus conçus autour du vinyle.).

Gee précise : « Même les albums concepts où toutes les pistes sont liées avaient tout de même au moins une coupure au milieu… pour le changement de face !  Comme Dark Side of the Moon qui fait à peu près 2 fois 20 minutes avec une coupure avant Money. » La Geekette, souriante : « C'est aussi pour ça que les versions vinyles des albums sortis après la démocratisation du CD sont souvent mal fichus : un album d'une heure sera sur 2 vinyles, 4 faces de 15 minutes avec des grosses parties non-gravées près des centres des faces.  La durée n'est pas optimisée pour ce support-là. »

Alors bien sûr, j'ai des gigas et des gigas de musique en format numérique sur un disque dur.

Mais j'aime aussi, de temps en temps, jouer un disque vinyle, comme ça, pour le plaisir.

Gee montre son vinyle de A Moon Shaped Pool de Radiohead : « En plus, l'illustration et le livret sont plus gros vu la taille de la pochette, et ça c'est chouette ! » Le smiley, moqueur : « Fais gaffe, ton taux de hipsteritude est en train de monter en flèche. »

💡 Dans le même ordre d'idée, je fais des tonnes de photos avec des appareils numériques (dédiés ou embarqués dans le téléphone), mais j'aime aussi, de temps en temps, faire des photos en argentique.

Le Geek demande : « Elle est bien, ta photo ? » Gee, regardant son appareil photo argentique : « J'sais pas, faudra attendre le développement. » Le Geek remarque : « Du coup, ta technique de test, visualisation de l'erreur et correction des réglages… ça se passe comment ? » Gee : « Ça prend 6 mois et 100 balles de pellicules pour une photo, oui. »

Le simple fait qu'un appareil argentique de base (sans flash ou automatisme intégré) soit entièrement mécanique, sans la moindre trace d'électricité à l'intérieur, à l'ère où les batteries se sont décuplées autour de nous, ça a quelque chose de fabuleux.

En ajoutant à cela le développement, qui est principalement de la chimie, on peut faire de la photo sans aucune source d'électricité !

Gee est représenté en train de développer des photos. Le Geek, bras croisés se moque : « Et l'appli de ta tablette qui chronomètre les temps de trempage dans chaque liquide et qui bippe au bon moment, elle marche à l'air comprimé ?  Et la fabrication de la pellicule ? Et de l'appareil ? » Gee : « Ça va, ça c'est un détail. » Le smiley : « Il a pas encore poussé le vice jusqu'à acheter une montre mécanique… »

Là encore, la technique développée et la physique mise en jeu ont quelque chose de magique.

Une dame dans une pièce dit à son collègue : « Tu vois, sur ce mur, la lumière arrive de partout, du coup les couleurs se mélangent et on a juste une lumière blanche qui éclaire le mur. » Le collègue, blasé : « Fascinant… »

Elle fait un trou dans le mur d'en face, on voit alors une image inversée de l'extérieur projetée sur le mur. Elle dit : « Par contre, si on ne laisse passer la lumière que par un trou, BIM ! Chaque petite partie du mur n'est éclairée que par le rayon qui est passé par le trou et donc de la même couleur que la source ! Ça fait une image ! » Le mec, bras croisés, blasé : « Elle est à l'envers, c'est un peu nul. » Elle : « Dis-dDis donconc, tu serais pas un peu casse-gonades, toi ? »

Le mec, toujours pas convaincu : « Okay, j'imagine que c'est pratique : on peut peindre dessus pour décalquer. » La femme, enthousiaste : « Attends, attends !  Imagine qu'on trouve un matériau sensible à la lumière, qui change de couleur quand on l'éclaire, et qu'on arrive à fixer le résultat…  On pourrait créer une image artificielle de l'objet visé automatiquement ! »

Le mec s'excite soudain : « Vous voulez mettre les peintres au chômage ?  IRRESPONSABLE ! » La femme en a ras-le-bol. Le smiley commente : « Ah la vache, ils étaient déjà là, ces énergumènes ? »

La technique reste similaire dans un appareil numérique, même si cette fois ce sont de petites cellules photosensibles qui génèrent des pixels de la bonne couleur dans un format numérique.

Notons une petite originalité du français qui utilise le mot « argentique » à cause de la composition physique (avec de l'argent) des pellicules, là où la plupart des autres langues parleront simplement de photographique analogique.

Gee s'amuse : « Je milite d'ailleurs pour qu'on parle de musique vinylique et de livre boisique. » Le smiley répète : « Boisique. Simple.  Simple. Boisique. »

💡 Un dernier point qui m'amuse aussi : je suis un grand fan de la science-fiction de la seconde moitié du XXe siècle (Isaac Asimov, Philip K. Dick, etc.). Et ce qui est rigolo, c'est que comme le numérique n'était pas encore répandu à l'époque, les récits parlent souvent d'un futur rempli de très hautes technologies… analogiques.

Dans un vaisseau spatial, un soldat avec une bande magnétique à la main fait un salut militaire en s'adressant à son supérieur : « Capitaine ! Nous avons reçu cette transmission du Consortium Galactique via notre relai hyperondes ! » Le capitaine, surpris : « Quoi ?! Donnez-moi cette bande magnétique tout de suite ! C'est sans doute au sujet de l'URSS, notre ennemi juré depuis plus de 3 siècles ! Et faites développer les photos du champ d'astéroïdes que nous avons frôlé tout à l'heure ! »

Qui sait ? Si nous n'avions pas inventé le numérique tout en ayant par ailleurs continué à consolider les autres techniques, notre monde serait sans doute un poil différent…

La Geekette, au volant d'une voiture : « Tu veux mettre quoi, comme disque, pour le trajet ? » Le Geek, un vinyle à la main : « On va mettre le dernier Massive Attack. » La Geekette : « Heureusement qu'on a inventé de bons stabilisateurs pour le lecteur vinyle dans la voiture… » Le Geek : « Par contre, v'là la taille de la boîte à gants pour stocker les disques… » Note : BD sous licence CC BY SA (grisebouille.net), dessinée le 12 juillet 2019 par Gee.

Publié le 12 juillet 2019 par Gee dans Tu sais quoi ?

🛈 Si vous avez aimé cet article, vous pouvez le retrouver dans le livre Grise Bouille, Tome IV.

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