Blog BD satirique

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Ma position sur l'IA générative

Dessins 100 % humains, garantis sans IA, réalisés avec amour

Ce blog n'utilise aucune IA générative ; les scénarios ne sont pas écrits par un programme informatique ; les dessins sont entièrement faits main à la tablette graphique par un auteur-dessinateur humain.

Quel est ton problème avec l'IA ?

Pour commencer, il n'est jamais inutile de préciser encore une fois que « intelligence artificielle » est avant tout un terme marketing qui englobe en pratique des techniques variées allant de la simple algorithmie (est-ce qu'un programe de tri est de l'IA ?) aux LLM – ChatGPT, Midjourney et cie : on appelle ces dernières des IA « génératives », car elles ne consistent pas à traiter des données (comme le ferait un algorithme d'amélioration automatique d'image, ou bien un traducteur de texte – comme j'en utilise moi-même pour m'aider à traduire le blog en anglais) mais à générer du texte, des images ou autre à partir d'une requête (un prompt).

Les IA génératives posent par leur fonctionnement même des problèmes majeurs :

  • des problèmes écologiques, car elles reposent sur des infrastructures démesurées (fermes de GPU, centres de données) qui font exploser les consommations de ressources (eau1, métaux rares) et les émissions de CO22, à une époque où il serait urgent de les réduire. Certes, toute application numérique a un impact environnemental, mais celui de l'IA générative est d'un tout autre ordre de grandeur ;

  • des problèmes éthiques, car elles ont été entraînées sur l'intégralité de ce que les géants de la tech ont pu trouver sur internet, ce qui s'apparente à un immense pillage au mépris des artistes (voir 3, 4 et 5). Je suis pour l'art libre et n'ai pas une immense sympathie pour le droit d'auteur tel qu'il existe, mais cette fuite en avant vers le plagiat généralisé et impuni est diamétralement opposée à mes valeurs et très franchement dégueulasse ;

  • des problèmes démocratiques, car elles industrialisent à grande échelle une normalisation et une hégémonie culturelle occidentale (principalement étatsunienne), avec l'inclusion de nombreux biais (sexistes, homophobes, racistes, ce que vous voulez), des biais qui existent dans nos sociétés, mais qui deviennent ici automatisés, amplifiés et banalisés6.

Ajoutons à cela les risques sur nos propres cerveaux : il a été montré qu'utiliser régulièrement des IA génératives pour déléguer les processus de réflexion et de création diminuait les capacités cognitives et nous rendait moins aptes à comprendre et appréhender le monde qui nous entoure7, sans parler de cas de psychoses franchement flippants8

J'ai déjà évoqué ces problèmes dans plusieurs chroniques et articles auxquels je vous renvoie ici :

Pour toutes ces raisons (et d'autres que je vais détailler ci-dessous), je ne souhaite pas utiliser d'IA générative.

Ne penses-tu pas que tu te freines en n'utilisant pas l'IA ?

Est-ce que l'IA générative me rendrait plus efficace sur certains points ? C'est possible. Encore que… sur quels points ? Écrire des scénarios toujours plus clichés ? Lisser mon style pour qu'il ressemble à tous les autres ?

Et quand bien même : je l'ai déjà expliqué dans un autre article, mais je ne veux pas nécessairement être efficace. Je veux dire par là qu'être efficace n'est pas une fin en soi. Avant même l'invention de l'IA générative, j'aurais pu être très efficace en gardant mon ancien job d'ingénieur bien payé et en sous-traitant mes dessins à un dessinateur ou une dessinatrice dans un pays pauvre. Mais quel intérêt ?

Bien évidemment, je ne vis pas dans un éther déconnecté de toutes contingences matérielles, et oui, il faut bien que je gagne ma vie avec mon art, mais pas à n'importe quel prix.

En fait, ça vous paraîtra peut-être futile comme motivation, mais la vérité, le cœur du sujet, c'est que… eh bien, j'aime écrire ; j'aime dessiner ; j'aime raconter des histoires. En cela, ma vision est diamétralement opposée à celle des chantres de l'IA, à commencer par le PDG de Suno AI, un générateur de musique, qui a déclaré :

Il n'est pas vraiment agréable de faire de la musique aujourd'hui. Il faut beaucoup de temps, beaucoup de pratique, il faut devenir très bon dans un instrument ou dans un logiciel de production. Je pense que la majorité des gens n'apprécient pas le temps qu'ils passent à faire de la musique.9

Une citation qui aura bien fait marrer la quasi-totalité des gens qui font de la musique, je pense. Moi qui suis aussi musicien, j'adore chaque moment passer à chanter, à jouer de la guitare ou du piano… Oui, l'apprentissage est long, parfois difficile, mais le plaisir qu'on prend à jouer de la musique, tout comme le plaisir qu'on prend à dessiner des choses, à raconter des histoires… tout cela est irremplaçable, et certainement pas par une connerie de prompt.

C'est que le PDG de Suno n'est pas un artiste mais un businessman, et en tant que tel, il se place dans l'optique de l'optimisation du profit : oui, si je veux maximiser mes chances de faire de la thune avec la musique, inonder Spotify de chansons générées en 2 secondes par une IA peut être une bonne option. Sauf que moi, ça n'est pas mon but.

Mon but, c'est de faire de l'art, et si possible d'en vivre. D'ailleurs, en dehors de ce blog, je joue dans des petits groupes de musique dans mon coin, je ne gagne pas un sou en faisant ça, et je continue par pur plaisir.

Gagner ma vie en tapant des prompts, quand bien même ce serait si simple : ça ne m'intéresse pas.

Ne penses-tu pas être une goutte d'eau dans un marché qui va être saturé d'art généré par IA ?

Oh si, bien sûr. Mais l'hégémonie culturelle n'a pas attendu l'IA pour inonder le marché. Je vais encore m'autociter :

IA ou pas, la culture de masse est déjà produite à la chaîne par des algorithmes : évidemment, les scénaristes Netflix qui ont un manuel hyper-détaillé avec les bonnes ficelles, les bonnes recettes, les bonnes intrigues à dérouler en boucle série après série, est-ce qu'on verra vraiment la différence si on les remplace par des IA ? L'IA fait exactement ce que Netflix veut : produire le résultat statistiquement le plus attendu, celui qui satisfera en moyenne le plus de monde, à la chaîne, de plus en plus vite.

En cela, l'avénement de l'IA générative dans l'art va menacer tout un tas de métier, à commencer par ceux de l'industrie culturelle de masse. Mais moi ? Je n'en faisais déjà pas partie avant. Je suis à la fois complètement dépassé par cet univers, et en même temps relativement indifférent et épargné par lui, parce que je ne joue pas dans la même cour (pour le meilleur et pour le pire).

Des IA peuvent déjà générer des dessins de largement meilleur qualité que les miens. Côté scénarios / blagues, ça n'est pas encore ça, mais j'imagine que ça va venir. Sauf qu'on oublie un point essentiel quand on se place hors de l'industrie culturelle de masse, dans le monde indé comme on dit : la relation humaine.

Je vais voir régulièrement des concerts dans mon coin, souvent des groupes locaux, pas très connus, des amateurs/amatrices qui font ça entre deux journées de travail salarié. La musique n'est pas la meilleure du monde, les interprêtes n'ont pas toujours un talent fou, mais je n'y vais pas pour ça : j'y vais parce que j'aime voir ces gens, parce que j'aime ressentir ce que joue quelqu'un d'autre, parce que j'aime la relation que nous avons quand ces gens jouent sur scène et que je suis dans le public (et vice versa, puisque comme je le disais plus haut, ça m'arrive de jouer également).

Oui, des IA font déjà des meilleures musiques, mieux fichues, mieux écrites, mieux « enregistrées ». Mais en fait, je m'en fous : je n'écoute pas des musiciens et des musiciennes dans le but de trouver la meilleure musique du monde, comme on optimiserait un itinéraire avec Waze. Je les écoute parce que je veux entendre ce que des gens ont à me dire, à me raconter, voir ce que leurs expériences humaines leur auront inspiré comme textes, comme mélodies…

Par essence même du processus, une IA ne pourra pas remplacer ça. Elle pourra imiter tout un tas de truc, être plus efficace et optimisée, mais au bout du compte, un être humain qui apprécie le travail artistique d'un autre parce que c'est une relation qui a un sens qui dépasse l'œuvre elle-même, ça ne peut pas être généré.

Je suis peut-être un grand naïf, mais je constate déjà à quel point l'art par IA est haï, et pas seulement par les artistes qui ont légitimement peur pour leur avenir.

Alors oui, tout un tas de gens consommeront de l'art par IA comme on consomme de la malbouffe : peut-être que moi aussi un jour ou l'autre, je ne me prétends pas au-dessus de la mêlée. Après tout, il peut m'arriver de m'égarer dans un fastfood. Mais j'ose croire que les gens qui me suivent déjà, et qui me suivront un jour, ne me suivent pas seulement pour mes jolis dessins mais aussi parce que ces dessins viennent de moi, d'un type particulier, qui a une histoire aussi singulière que les leurs, quelqu'un de chair et de sang avec qui on peut discuter, qu'on peut même parfois rencontrer… et que tout ça, ça veut dire quelque chose ; que ça n'est pas soluble dans les statistiques géantes des machines à uniformiser que sont les IA génératives ; que c'est une relation humaine qui dépasse la question des gribouillages dessinés ou des blagues écrites.

Bref : je sais que la malbouffe de l'art par IA sera bientôt partout. Mais je vous souhaite la bienvenue dans mon petit resto de quartier avec de l'art humain, à l'ancienne.

En vous souhaitant un bon appétit !

L'auteur

Gee

Gee est docteur en informatique (généraliste conventionné secteur 42), mais en dehors des heures de consultation, il est aussi auteur dessinateur de bandes dessinées. Il publie de nombreux « gribouillages » en ligne, parce que quitte à écrire des bêtises, autant qu'elles soient lues !

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