Une Auberge dans la tempête 10

Publié le 10 novembre 2021 par Gee dans La plume
Inclus dans le livre Une Auberge dans la tempête

Couverture de « Une Auberge dans la tempête »

Dans les épisodes précédents : Après un apéro bien arrosé, une coupure de courant éteint les lumières de l’auberge. Un cri d’horreur attire Nathalie et Maryam dehors. Elles tombent, terrifiées, sur un homme accoutré comme un extra-terrestre, l’air paniqué et désorienté.

Chapitre 10

Dans la pénombre de la cour de l’Auberge du Moulin Électrique, le sentiment de terreur était partagé entre les deux femmes et l’étrange individu au look d’alien. Rendu encore plus paniqué par le cri de Nathalie et Maryam, ce dernier fila au pas de course en les bousculant au passage.

La canne ne fut pas suffisante pour maintenir l’équilibre de Nathalie qui se cassa la figure en manquant d’emporter Maryam dans sa chute. En se redressant, elle bénit silencieusement l’attelle qui avait empêché sa cheville d’encaisser un troisième round de KO.

— Ça va ? s’enquit Maryam en l’aidant.

— Bon Dieu mais c’était qui ce mec ?!

— Je dirais : c’était quoi ?

— Le laissons pas filer, viens !

Cette fois, ce fut Maryam qui fut surprise de la témérité de sa camarade. Elle sentit que sa peur était contrebalancée par une furieuse volonté de percer le mystère de cette auberge. S’il était une pièce du puzzle qui pouvait s’avérer déterminante, c’était bien ce type bizarre sorti de nulle part qui détalait dans la propriété en hurlant…

Les deux femmes rebroussèrent chemin vers la direction qu’elles estimaient prise par le type en question. Maryam balayait le paysage du faisceau de son téléphone, mais la nuit était épaisse et les rideaux de pluie omniprésents n’aidaient pas. D’autant plus qu’elle devait faire son possible pour protéger l’appareil de son autre main.

La cour était assez large pour que les bruits de pas éclaboussés par les flaques d’eau résonnent en écho. Ce qui ne rendait pas la localisation de ces bruits plus aisée… On aurait pu croire qu’une dizaine de personnes déambulaient dans tous les sens, tant les échos se mélangeaient en se balançant sur les murs.

Tout à coup, Nathalie fut aveuglée par une vive lumière. Un point blanc incandescent dansait dans l’obscurité et vint à leur rencontre. Lorsqu’il fut assez proche, le faisceau du téléphone de Maryam leur permit d’en reconnaître le propriétaire :

— Augustin !

Le jeune homme pointait lui aussi son smartphone en guise de lampe-torche.

— C’est vous ? Y’a eu une panne de courant, j’ai entendu des cris, je suis descendu et le vieux m’a dit que vous étiez sorties !

— Tu n’as croisé personne d’autre ?

— Non, pourquoi ?

Nathalie lui raconta leur rencontre avec la… créature humanoïde. Le teint d’Augustin prit successivement plusieurs couleurs. Étrangement, Nathalie le sentit moins étonné qu’elle ne s’y serait attendue. En plissant les yeux, il agita son téléphone de gauche à droite. L’incessante purée de pois tamisait le faisceau après quelques mètres.

— Il faut qu’on le retrouve !

Décidément, il n’y a pas qu’à moi que ça provoque des poussées de courage, les rencontres du troisième type…

Comme s’il avait souhaité être retrouvé, l’individu en fuite poussa un nouveau cri qui vibra dans l’atmosphère orageuse. Nathalie, Augustin et Maryam se mirent à sonder les environs, et cette dernière s’écria :

— Là-bas !

Sans laisser le temps à ses deux acolytes de réagir, elle se mit à courir. Augustin se lança sur ses talons, suivi de Nathalie qui, ralentie par son handicap momentané, luttait pour ne pas se laisser distancer. Les deux rayons de lumière tressautaient dans la pénombre en projetant des ombres fantomatiques sur les murs des bâtiments de l’auberge.

Maryam avait contourné une sorte de large remise en planches de bois. Nathalie vit le faisceau de la lampe d’Augustin disparaître à son tour derrière et elle accéléra l’allure, les poumons et la jambe en feu.

— Attention !

Elle n’avait pas remarqué qu’Augustin s’était arrêté net et elle le percuta de toute son inertie. Tous deux furent projetés en avant d’un même mouvement et s’écroulèrent sur l’objet qui avait interrompu la course d’Augustin : l’entrée d’une cave au sol, fermée par un double-volet en bois vermoulu qui explosa en morceaux sous l’effet de l’impact.

Ce fut la plus longue de toutes les nombreuses chutes dont Nathalie avait fait l’expérience ces derniers jours. L’odeur de renfermé lui assaillit les narines peu avant que sa chute ne fût amortie par une pile d’objets mous. Elle sentit Augustin atterrir au même instant à côté d’elle, et vit son téléphone faire un saut périlleux. Une lumière stroboscopique stria la pièce quelques instants avant que l’appareil ne retombe face contre terre.

Nathalie était sonnée. Même si elle avait atterri sur quelque chose de relativement mou, elle avait tout de même chuté de plusieurs mètres et l’ensemble de son corps lui semblait endolori. Une épaisse poussière s’engouffra dans ses narines et sa bouche, ce qui lui occasionna une violente toux.

De la farine !

Elle et Augustin étaient tombés sur des sacs de farine. C’était cela qui avait amorti leur chute. Plusieurs de ces sacs avaient été éventrés par le choc.

La voix de Maryam retentit au-dessus :

— Nathalie ? Augustin ?

— On est en bas !

— Rien de cassé ?

— Rien de cassé de plus

Augustin grogna :

— J’ai mal partout mais je crois que ça ira.

— Je vais chercher de l’aide !

Les bruits de pas indiquèrent que Maryam s’éloignaient. Nathalie descendit de la pile de sacs, récupéra sa canne et se saisit du téléphone d’Augustin. Il fonctionnait encore et elle s’en servit pour éclairer la pièce.

C’était une cave de taille modeste. Outre les sacs de farine, il s’y alignait plusieurs étagères où s’entassaient pêle-mêle des boîtes de conserve et des confitures. Un peu de pluie tombait par la trappe par laquelle Augustin et elle étaient tombés, trappe qui était accessible par une échelle probablement tout aussi vermoulue que le volet, et dont plusieurs barreaux étaient cassés. Nathalie trouva préférable de ne pas s’y aventurer.

De l’autre côté de la pièce se trouvait un autre accès : une porte en métal rouillé que Nathalie tenta d’ouvrir. Bien entendu, l’issue était verrouillée. Elle poussa l’interrupteur à côté de la porte. En temps normal, l’ampoule nue qui pendait du plafond au centre de la pièce se serait sans doute allumée, mais le courant était toujours coupé.

Augustin rejoignit Nathalie.

— Verrouillée ? Attendez, poussez-vous.

Avant que Nathalie ne comprenne ce qu’il avait derrière la tête, Augustin se jeta de toutes ses forces contre la porte, épaule en avant. Celle-ci trembla à peine.

— AÏEUH !

— Non mais vraiment…

— Dites, j’essaie de nous sortir de là !

— En vous fracassant sur une porte en métal avec votre force de gringalet ? Si vous tenez à vous péter un bras, je vous signale qu’ils m’ont déjà filé l’attelle de secours, et ça m’étonnerait qu’ils en fassent collection.

Nathalie se laissa tomber au sol et s’assit contre le mur.

— On n’a qu’à attendre qu’ils viennent nous chercher.

— Ah, parce que vous y croyez, vous ?

Elle le fixa dans la pénombre avec incompréhension.

— Mais de quoi vous parlez ? Maryam est partie chercher de l’aide. Un peu de patience et on sera sortis.

Augustin eut l’air plongé dans un débat intérieur pendant un instant, comme s’il se demandait s’il pouvait expliquer à Nathalie ce qu’il avait derrière la tête. Après avoir visiblement pesé le pour et le contre, il s’assit à côté d’elle contre le mur froid, près de la porte.

— Très bien, je vais vous confier ce que je sais… Je ne vous ai pas tout dit, ce matin.

— Sans blague…

— Si j’ai été si suspicieux vis-à-vis de cette auberge, c’est que… eh bien, plusieurs personnes ont disparu dans les environs, ces dernières années.

Nathalie ouvrit de larges yeux qu’Augustin ne vit pas dans l’obscurité ambiante de la cave.

— Vous êtes sérieux ?

— Des gens qui se perdent dans la forêt, ça arrive, n’est-ce pas ? À chaque fois, des équipes de recherche ont été envoyées. À chaque fois, elles sont revenues bredouilles. On a toujours supposé que les disparus étaient morts de faim après avoir tourné en rond dans les bois… ou noyés dans la rivière que vous et moi avons eu la joie de visiter ce matin… Pourtant, aucun corps n’a été trouvé. Jamais. Mystère complet.

— De combien de personnes on parle ? Sur quelle période ?

— Pas tant que ça. Moins d’une dizaine. Pour ce que j’en sais, la plus ancienne disparition remonte à huit ans. Un couple avec un bébé. Bien sûr, aucun n’a été retrouvé.

— Attendez une minute… s’il y a eu des recherches, quelqu’un a bien dû tomber sur l’auberge, non ?

Augustin observa un silence éloquent. Les pièces du puzzle se mettaient maladroitement en place dans la tête de Nathalie. Elle était encore loin de se faire une image complète de la situation, et pourtant…

— Vous ne pensez tout de même pas que…

— Si je le pense ? Attendez… je pars en reconnaissance dans une forêt où je sais que plusieurs personnes ont disparu sans laisser de traces ; là-dessus, je manque de me noyer et on m’emmène dans une auberge qui n’existe sur aucune carte et n’est référencée nulle part ; sur place, impossible d’en savoir plus, dès que j’évoque le sujet, j’ai l’impression de déranger et je sens qu’on me regarde de travers ; maintenant vous me dites que vous et votre copine êtes tombées sur un type paniqué, manifestement en fuite… Vous en tirez quelles conclusions, exactement ?

— Vous pensez que les personnes disparues sont détenues ici ?

— Dans le meilleur des cas… je ne serais pas non plus surpris de trouver une fosse commune dans le coin.

— Mais pourquoi ? Pourquoi est-ce qu’ils captureraient des voyageurs égarés ? Ou pire ? Et par quel moyen détourneraient-ils les équipes de recherche ?

— Aucune idée.

Le silence retomba dans la cave. Le cerveau de Nathalie tournait à cent à l’heure. Pourtant, elle sentait l’alcool qui obscurcissait ses pensées et l’empêchait de réfléchir correctement. La fatigue commençait à prendre le dessus sur l’excitation de la course-poursuite.

C’était donc pour cela qu’Augustin l’avait prévenue de « rester sur ses gardes ». Elle avait du mal à assimiler les révélations qu’il venait de lui faire. L’accoutrement de l’individu en fuite qu’elle avait croisé avec Nathalie lui revenait sans cesse en tête. Un masque sur les yeux… et ces fils qui lui cernaient la tête… De quelles sinistres geôles s’était-il évadé ?

— Vous comprenez maintenant pourquoi je doute qu’on vienne nous chercher ?

— Oui… enfin non, pas vraiment.

Il allait protester mais Nathalie ne lui laissa pas le temps de répondre.

— En admettant que votre théorie soit juste… Il y aurait plus simple pour se débarrasser de nous que d’attendre que nous tombions nous-même dans une trappe. J’ai déjà passé une nuit ici, et personne n’a tenté de me kidnapper.

— Peut-être qu’ils attendaient juste la bonne opportunité…

— Et Maryam dans tout ça ? Elle n’est pas tombée dans ce trou. Pourquoi ne reviendrait-elle pas nous chercher ? Vous pensez qu’elle est dans le coup aussi ?

— J’en sais foutre rien ! Mince, pour ce que j’en sais, vous êtes peut-être dans le coup, vous aussi !

C’était la même suspicion qui l’avait mise en rogne le matin même. Cette fois, Nathalie se mit vraiment à fulminer.

— On vous a sauvé de la noyade, triple-connard ! En manquant de caner nous aussi dans le processus ! Vous croyez qu’on se serait donné la peine, si le but c’était de vous zigouiller dans la foulée ?!

Avant qu’Augustin n’ait eu le temps de répliquer, un bruit de clef qu’on tourne dans une serrure rouillée retentit. Nathalie et lui se relevèrent d’un bon. La porte en métal s’ouvrit dans un grincement. Derrière elle, M’ame Jocelyne se tenait là, une lampe-torche à la main et un grand sourire sur le visage.

— Alors alors, on s’enguirlande, les tourtereaux ?

Puis elle se retourna vers le couloir derrière elle et s’exclama avec bonne humeur :

— C’est bon ! J’les ai trouvés !

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Graphique montrant l'avancement du NaNoWrimo en fonction du jour

Publié le 10 novembre 2021 par Gee dans La plume

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