Les ordinateurs sont cons

Publié le 2 février 2015 par Gee dans Tu sais quoi ?
Inclus dans le livre Grise Bouille, Tome I

Le titre vous dit sans doute quelque chose : ceux qui me suivent depuis longtemps se souviennent de cet article publié sur le Bloc-notes et qui avait eu pas mal de succès à l’époque… Où j’y expliquais cette grande fumisterie publicitaire qui consiste à nous faire croire que nos ordinateurs, nos téléphones, nos appareils électroniques sont intelligents. Bullshit. J’ai adapté cet article au format BD parce qu’il me semble qu’il inaugure bien cette catégorie : commençons par les bases !

Notez que l’article est assez long, mais ça ne veut pas dire que tous les articles de ce blog feront cette taille 😉

(Et je précise enfin que cet article n’est bien sûr pas une charge contre l’informatique – j’y travaille et j’adore ça – mais bien une façon de rappeler que l’intelligence est avant tout humaine et que les machines ne font que ce qu’on leur dit.)

Les ordinateurs sont cons

💡 Aujourd'hui, on n'utilise plus un vulgaire téléphone… mais un smartphone, un téléphone dit « intelligent ».

Le Geek tient un téléphone qui lui dit : « Bonjour ! Je suis Einstein, votre assistant smartphone. Comment puis-je vous aider ? » Le Geek, surpris : « Albert ? C'est toi ? »

Alors je vais vous dire un secret…

Approchez…

Hééé, pssst…

Allez quoi, approchez-vous, didjou…

Un smartphone, ou n'importe quel type d'ordinateur, bah en fait…

C'EST CON.

(Et même prodigieusement con.)

Le téléphone répond : « Je n'ai pas compris la question. Souhaitez-vous acheter la saison 1 de “Albert le 5e mousquetaire” ? » Le Geek est blasé.

Bon, d'accord. Votre ordinateur peut vous impressionner. Il peut faire des trucs assez fous.

▶️ Mais au fond, votre ordinateur, c'est ça :

Une image de boulier. Le smiley, à côté, vommente : « Tu déconnes, mais tu mets une pomme là-dessus, et l'iBoulier se vend à 500 balles facile… »

À ce stade de l'article, vous pouvez crier au troll, mais je me permets d'insister. Sur le principe, un ordinateur ou un phone (aussi smart qu'il soit)…

… c'est un boulier d'il y a 4000 ans.

Un mec montre une super appli de reconnaissance faciale et dit d'un air triomphal : « Hahaa ! Mais mon smartphone reconnaît les visages sur une photo ! Faut pas être sacrément malin pour arriver à faire ça ? »

💡 Oui mais non. Il a juste été entraîné pour.

(Et j'vous raconte pas la galère pour entraîner un machin qui ne raisonne qu'avec des nombres !)

Gee montre deux photos à un robot : « Tu vois, ça, c'est un visage. Est-ce que ça, c'est un visage aussi ? » Le robot, pensif : « Mmh… Les pixels des deux images ne sont pas les mêmes. La similarité au sens du PSNR* n'est pas très élevée. Non.  Par contre, si ça t'intéresse, les deux images font presque le même poids en octets. Étonnant, non ? »

Peak Signal to Noise Ratio, une grandeur utilisée pour mesurer la distorsion entre deux signaux.

▶️ Voilà. Donc au prochain dîner de cons, vous savez qui inviter.

Le robot, bras croisés, pas content : « Sympa… »

Si on arrive depuis quelques années à faire des trucs compliqués comme de la reconnaissance faciale de manière pas dégueu, c'est parce qu'on s'est cassé la tête pendant des années à développer l' apprentissage des machines.

Mème du mec qui fait « OBJECTION ! » : « Pour apprendre, il faut être intelligent, non ? Donc l'ordinateur est bien intelligent ! »

⚠️ Tout dépend de ce que tu entends par intelligence . Ce qu'on appelle apprentissage , c'est un programme qui permet d'adapter le comportement d'une machine selon une base de connaissances qui peut varier.

Exemple sans apprentissage. Gee explique au robot : « Un visage, c'est un nez, une bouche et deux yeux. » Le robot regarde un visage de profil et dit : « Okay, donc ça, c'est pas un visage. Y'a qu'un œil. » Le Geek : « Bah si, mais… rooh… »

Exemple avec apprentissage. Gee montre des caisses de photos au robot et dit : « Je vais te montrer un million de photos de visages et tu vas extraire les caractéristiques principales d'un visage moyen, okay ? » Le robot, bras ouverts : « Balance la sauce, grô ! »

(Au passage, pensez à apprendre la politesse à votre ordinateur.)

💡 Ce qui est intéressant ici, c'est que l'apprentissage peut éventuellement se poursuivre par la suite : en détectant un nouveau visage, la machine peut ajuster le modèle qu'elle s'en était fait.

Le mec lambda du dessus, blasé : « Bah voilà. Elle est intelligente, ta machine. Tu nous lâches, maintenant ? Mais qu'il est lourd… »

Eh bien non !

On a juste rendu un programme plus flexible, en gros. Mais la machine, elle, c'est toujours un boulier.

Je suis lourd, mais un ordinateur est tellement con qu'il ne connaît à peu de choses près que les trois opérations suivantes :

▶️ Bouger un nombre


▶️ Additionner deux nombres


▶️ Comparer deux nombres

Et c'est tout.

Le smiley commente : « Il peut aussi faire deux-trois trucs comme initialiser des nombres et “sauter” à un autre endroit d'un programme… »

Non non, je n'exagère pas, absolument tout ce que vous utilisez comme outil informatique n'utilise que ces quelques opérations.

Un medium derrière une boule de cristal dit au robot : « Je lis dans vos pensées… et c'est assez monotone.  Je m'trompe, ou vous n'êtes pas très fute-fute ? » Le robot pense à un algorithme : « mettre A à 2 ; ajouter 3 à A ; bouger A dans B ; mettre C à 4 ; comparer B et C ; B est plus grand que C » Il répond : « Mais vous allez me foutre la paix, oui ? »

Bon, je ne vais pas vous cacher que si les ordinateurs étaient « juste » cons, on ne s'en trimbalerait pas plein les poches comme aujourd'hui. Vous êtes peut-être bien plus intelligent que votre ordinateur (si si, ne soyez pas modestes), mais lui a un atout absolument imparable…

La vitesse.

Le medium, surpris : « Je lis dans vos pensées… euuuh, vous pouvez ralentir ?! » Le robot, bras croisés : « Pas le temps. Figure-toi que pour reconnaître ton visage, faut que j'en additionne et que j'en bouge un paquet, des nombres… »

Un ordinateur peut donc faire une tâche à une vitesse incroyable, à condition que cette tâche soit facilement décomposable en opérations mathématiques simples. Du coup, l'humain et l'ordinateur n'ont pas les mêmes facilités…

Gee montre une photo de visage et demande : « Vous pouvez me dire si c'est un visage, ça ? » Le Geek, blasé : « Bah évidemment que c'est un visage… » Le robot, en revanche, répond : « Euuuh, j'sais pas trop, c'est chaud !  Tu peux m'en montrer un million d'autres, que je compare ? »

Gee montre une très longue liste : « Voici un tableau contenant un million de mots. Vous pouvez me le trier par ordre alphabétique ? » Le Geek, stupéfait : « Euuuuuh, j'ai droit à combien de semaines pour le faire ? » Le robot, confiant : « C'est fait.  T'as même pas eu le temps de finir ta phrase que j'avais déjà terminé. »

C'est parce que l'ordinateur peut faire des milliards d'opérations par seconde qu'on arrive à faire des programmes très sophistiqués juste en bougeant et en additionnant des nombres.

💡 Tout l'enjeu de l'informatique, c'est d'arriver à retranscrire notre intelligence dans un langage que l'ordinateur peut comprendre.

Un schéma montre que « INTELLIGENCE (humaine) », représentée par Einstein qui pense « e=mc² », plus « VITESSE (machine) », représentée par le robot qui sprinte en faisant « Bip bip ! », est égale à « DOUBLE RAINBOW (informatique) ».

⚠️ Le truc, c'est que ce n'est pas de la tarte !

Et c'est pour ça que des trucs très simples comme reconnaître des visages sont encore des problèmes sur lesquels on se casse les dents (même si on s'en sort de mieux en mieux).

Gee demande au robot : « Bon okay… Alors, si on utilise une représentation vectorielle des caractéristiques de l'image et qu'on classifie ça par analyse en composantes principales en te filant une base d'apprentissage, tu vas t'en sortir ? » Le robot répond : « Mmh… faut voir.  C'est quoi, tes “caractéristiques” ? »

Oui, l'ordinateur est con. S'il fait des choses incroyables, c'est parce qu'il a été préparé par une personne qui, elle, est vachement intelligente…

Le programmeur.

(Et non pas le programmateur, qui est un appareil servant à planifier des événements et qui, comme tout appareil, est donc stupide. Vous suivez ?)

Le robot, toujours pas content : « Ça commence à devenir vexant. »

Un barbu fait le mec gêné en répondant : « Intelligent, mowa ? Rooh, arrêtez, je vais rougir… Bon, j'avoue, c'est vrai, j'suis quand même assez exceptionnel, comme gars.  Mais c'est bien parce que vous avez insisté. » Un panneau indique : « Modestus Programmus Commonus ».

Si l'intelligence d'un programme vient de son concepteur, le contraire est vrai : un bug, ce n'est pas l'ordinateur qui se plante.

⚠️ L'ordinateur ne se plante jamais.

Si quelque chose se passe mal, c'est que le programmeur a mal expliqué à l'ordinateur ce qu'il devait faire ou a oublié de gérer tel ou tel cas. La population est d'ailleurs scindée en deux catégories face aux bugs :

Le commun des mortels s'énerve devant un ordinateur en disant : « Raaaaah, mais c'est quoi ce logiciel de merde ?! » Les développeurs et développeuses s'énervent aussi, mais en disant : « Raaaaah, mais quel est le con qui a développé ce truc ?! »

Mais je divague.

Vague.

Les bugs, on en parlera une autre fois.

▶️ Retenez une chose : toutes les merveilleuses choses que vos téléphones peuvent faire, ils les font parce que quelqu'un, quelque part, a eu l'idée de leur faire faire. Et surtout, parce que cette personne a réussi à leur expliquer correctement comment ils pouvaient les faire en faisant 15 milliards d'opérations simples.

Mais votre ordinateur, au final, ce n'est qu'un con qui court très vite.

Votre ordinateur, ce n'est pas Albert Einstein.

C'est Forrest Gump.

Gee crie au robot : « Cours, Forrest ! Coouuuuuuurs ! » Celui-ci, définitivement énervé, s'en va en disant : « Bah vous avez gagné. Moi, j'me tire !  Ras-le-bol de se faire insulter ! » Note : BD sous licence CC BY SA (grisebouille.net), dessinée le 12 octobre 2014 par Gee.

Publié le 2 février 2015 par Gee dans Tu sais quoi ?

🛈 Si vous avez aimé cet article, vous pouvez le retrouver dans le livre Grise Bouille, Tome I.

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