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Un fichier supprimé… existe toujours ?

Publié le 24 novembre 2025 par Gee

Alors évidemment, ça va être un article de vulgarisation où la majorité de mon lectorat habituel ne va pas apprendre grand-chose, mais si ça peut servir à clarifier les choses…

Un fichier supprimé… existe toujours ?

Jetons un œil à cette scène fort commune :

Un homme et une femme regardent la télé depuis leur canapé. Dans la télé, on entend : « On a le disque dur du suspect, mais il a effacé toutes les données ! » « Pas grave, on va demander au petit génie de l'informatique du 6e de nous récupérer données, il sait faire ! »

⚠️ Évidemment, comme les représentations de l'informatique dans les œuvres de fiction sont souvent merd… médiocres, pour être poli, vous pouvez légitimement soupçonner qu'il s'agit d'une facilité scénaristique du même genre que les zooms infinis :

Deux flics derrière un PC. Le premier dit : « Johnson, agrandissez-moi cette toute petite zone de l'image et ENHANCEZ-moi tout ça. » Le deuxième : « Mais patron, il n'y a que 20 pixels noirs à tout casser ici, je ne vois pas bien ce qui… OH MON DIEU, il y avait une image au format HD cachée dedans ! » Le premier : « Et il y avait les aveux signés dans ces 20 pixels ! Bien joué, Johnson, on les tient ! »

Dans le cas des fichiers supprimés, la question se pose donc :

💡 Est-il possible de récupérer des données supprimées, et si oui, par quel miracle (étant donné qu'elles sont censées avoir été supprimées, justement) ?

Gee précise : « Déjà, évacuons le cas où les fichiers ont juste été “mis dans la corbeille”. La corbeille, c'est juste un dossier spécial où vos fichiers sont mis en attendant de savoir si vous voulez vraiment les supprimer. Ça ne supprime rien du tout tant que vous ne la videz pas. » Un schéma montre que mettre à la corbeille revient à déplacer le fichier dans un dossier, et restaurer à le déplacer dans l'autre sens.

Ceci étant dit, parlons maintenant d'un fichier vraiment supprimé, une fois la corbeille vidée.

▶️ On a souvent une mauvaise intuition de comment est stocké un fichier : on a tendance à imaginer que le support (disque dur, carte SD, …) est une page blanche qu'on remplit ou qu'on efface.

Une page blanche taguée « support neuf non-utilisé » ; un stylo mène une page remplie taguée « support après l'écriture d'un fichier » ; une gomme mène à une page à nouveau blanche taguée « support après l'effacement du fichier ».

⚠️ Sauf que ça n'est pas vraiment comme ça que ça marche. Un support va comporter un certain nombre de bits qui peuvent être à zéro ou à un : il n'existe pas d'état « blanc », ou « non utilisé ». Votre support numérique n'est jamais une page blanche, c'est plutôt une longue série d'interrupteurs qui peuvent être ouverts ou fermés :

Illustration de la série d'interrupteurs ouverts ou fermés.

À ce sujet, vous pouvez lire Bit, byte, bitten, une vieille BD que j'avais faite pour expliquer ces histoires de bits et cie.

▶️ Lorsqu'on stocke un fichier, rien n'est vraiment « écrit » : il faut imaginer que ces interrupteurs sont alors arrangés pour bien représenter le contenu du fichier, un peu comme quand vous entrez un code en faisant tourner les roues d'un cadenas.

Gee montre un cadenas : « Là, je n'ai pas vraiment “écrit” le nombre 1337, j'ai simplement arrangé les roues pour que ce soit ça qui apparaisse. Ben sur un disque dur, c'est pareil : écrire un fichier, c'est juste arranger des nombres qui sont déjà physiquement là quoi qu'il arrive. » Le smiley : « Vous connaissez maintenant le code de la valise de Gee, qui était donc incroyablement dur à trouver. »

💡 Comment sait-on alors qu'un endroit du disque est occupé par un fichier et non par une suite de bits qui n'ont aucun sens ? Eh bien le système de fichiers note à quel endroit se trouve le fichier et la place qu'il prend, dans une sorte de petit annuaire.

On voit une longue série de zéros et de uns, avec un pointeur qui dit « Placebo – Mars Landing Party.mp3 », un autre qui dit « IMG_19890310_154500.jpg ». Entre les deux, il n'y a rien.

💡 Et que se passe-t-il alors quand on supprime un fichier ? Eh bien, on supprime tout simplement la référence à ce fichier dans l'annuaire.

La même image qu'avant, mais sans le fichier JPG. Le contenu du fichier, lui, est toujours là !

▶️ Voilà pourquoi le fichier est encore récupérable avec les bons outils : même s'il n'est plus référencé par le système, son contenu est toujours sur le disque !

Gee, derrière son ordi, transpirant mais souriant, dit : « C'est d'ailleurs quelque chose qui m'a sauvé une demi-journée de boulot lorsque j'avais supprimé par erreur un script lorsque je développais mon jeu vidéo “Superflu Riteurnz”* ! »

Une histoire un peu plus technique que cette BD et que j'ai racontée sur le blog du jeu.

⚠️ Évidemment, puisque la zone précédemment occupée par le fichier est désormais considérée comme libre par le système, elle sera potentiellement utilisée pour stocker autre chose à l'avenir, et le contenu risque fort d'être effectivement écrasé – et donc vraiment supprimé – à moyen terme.

Toujours l'image du système de fichiers avec des zéros et des uns, un autre fichier « la_chaine_meteore_final_2_vraiment_final.pdf » a été écrit au milieu de la zone libérée. Il reste encore des morceaux de l'ancien fichier récupérables, mais le plus gros est définitivement perdu.

⚠️ À l'inverse, le fait que les fichiers ne soient pas réellement supprimés peut constituer un vrai problème de sécurité !

Un type dans un bureau dit : « J'ai jeté le disque dur externe où on stockait les coordonnées bancaires des clients, il était trop vieux. » Une collègue répond : « T'as bien formaté le disque avant ? » Le type : « Bah oui, je suis pas con. » Dehors, un type malfaisant fouille dans la poubelle en pensant : « Héhéhé, on va récupérer tout ça… »

Un mec lambda, paniqué, dit : « Mince, mais alors la personne à qui j'ai vendu mon ancien disque dur sur Le Bon Coin peut récupérer ma sexta… ma vidéo de vacances ? » La Geekette répond : « En théorie oui. » Le mec : « Ah. Diantre. Sacrebleu. Pu##in de sa race. »

💡 Évidemment, il faut doser son degré de paranoïa en fonction des cas d'usage et du niveau de menace.

Vendre son disque sur Le Bon Coin : un mec dit « Cool, ce disque dur à moitié prix ! » La plupart des gens vont acheter votre disque pour s'en servir, pas pour vous espionner. Jeter des données bancaires : le même dessin que tout à l'heure avec le type qui fouille la poubelle, le risque est gros, et si nous ne chiffrez pas vos données, vous êtes irresponsables*.

Un disque chiffré (ou « crypté » dans le langage courant) nécessite une clef secrète pour être lu : vous aurez donc beau récupérer les octets écrits, sans la clef, vous ne pourrez rien en faire.

Alors vous allez peut-être me dire :

Mais pourquoi le système n'efface-t-il pas réellement le fichier ?

En remplissant l'espace mémoire de zéros, par exemple ?

Gee explique : « Ben déjà, ça prend du temps : imaginez que vous supprimiez un film en HD de plusieurs gigas, c'est autant de place à remplir de zéros. Regardez le temps que prend la copie d'un gros fichier : ça serait pareil. » Le robot informatique répond : « T'es prêt à attendre plusieurs minutes que le fichier soit supprimé ou tu préfères que ça prenne un millième de seconde ? »

Gee explique : « Et ça évite de faire vieillir prématurément votre support : chaque écriture ajoutant à l'usure, autant éviter d'écrire des trucs quand ça n'est pas nécessaire. » Le robot dans une chaise longue : « Voilà. C'est pour ça que je fous rien. Je me préserve. »

💡 Notez que si on souhaite vraiment effacer physiquement le contenu d'un fichier, il existe des utilitaires faits pour : sur Gnunux, par exemple, c'est la commande shred.

Gee : « Vas-y, déchiquete-moi* ce fichier ! » Le robot : « Je remplace l'espace occupé avec que des zéros, puis que des uns, puis la même chose 5 fois, puis avec une séquence aléatoire de zéros et de uns**. »

Shred = déchiqueter en français.

✷✷ Des techniques de criminalistique permettraient de récupérer des données qui ont simplement été écrasées une fois sur certains supports, on n'est donc jamais trop prudent.

Personnellement, si je devais céder un support numérique perso à quelqu'un, je prendrais soin de faire tourner la commande shred sur l'entièreté du support en question…

Le robot est pas content : « Euh, ça va prendre un moment, hein. » Gee, allongé dans la chaise longue : « Vas-y, j'ai tout mon temps. »

⚠️ Mais le pire, c'est que même ça ne garantirait pas complètement l'effacement : en effet, certains secteurs devenus invalides sur un disque dur peuvent ne plus jamais être réécrits…

Gee avec un masque et un lance-flamme : « J'ai compris. On va utiliser les grands moyens » Le robot est apeuré.

Pour conclure, ce qu'on appelle « supprimer un fichier », ça peut avoir de nombreuses significations, et il est important de piger de quoi on parle :

Un fichier est d'abord placé à la corbeille (où il peut être restauré) ; puis il est supprimé (où il peut être récupéré si pas encore écrasé) ; puis il est effacé physiquement par un utilitaire ou écrasé par un autre fichier (et la restauration est impossible ou partiellement possible) ; le support est détruit physiquement (c'est terminé). Note : BD sous licence CC BY SA (grisebouille.net), dessinée le 05 novembre 2025 par Gee.

Publié le 24 novembre 2025 par Gee
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