Bobologie aux urgences (2/3)

Publié le 26 octobre 2020 par Gee dans La fourche
Inclus dans le livre Grise Bouille, Tome V

La suite de ma BD autobiographique sur les aventures fabuleuses de mon système digestif !

Si vous avez manqué l’épisode 1, il n’est pas trop tard pour le lire !

Pour info, personne n’a trouvé le nom du mal qui m’affectait… j’ai eu beaucoup de réponses « syndrome de l’intestin irritable » : j’ai longtemps cru que c’était ça, eh bien non. J’ai eu aussi des gens qui m’ont parlé d’occlusion, mais là c’est plus un symptôme (en l’occurrence, correct) que la véritable origine du mal.

Bobologie aux urgences (2/3)

C'est reparti.

💡 Après un scanner aux urgences de l'hôpital d'Oxford, on m'annonce donc l'origine de mes maux de ventre qui apparaissent ponctuellement depuis presque 10 ans :

L'infirmière : « You have a sigmoid volvulus. » Gee : « Merde, ça j'ai pas compris.  Ils l'ont jamais fait, dans Scrubs…  »

Volvulus du sigmoïde.

Comme le nom est pas hyper-parlant pour un type comme moi qui a arrêté la bio en seconde, on m'explique.

Côte à côte, on voit un côlon normal, avec le sigmoïde qui est la dernière partie qui remonte légèrement avec le rectum, mon côlon à moi en temps normal, avec le sigmoïde beaucoup plus long et qui remonte beaucoup, et mon côlon à ce moment-là, avec le sigmoïde qui est replié sur lui-même et fait une boucle. À côté, barré, Gérard Côlon.

Voilà, c'est tout con.

J'ai la dernière partie du côlon (le sigmoïde) plus longue que la normale pour une raison ou une autre, et elle fait une sorte de boucle.

Et ponctuellement, cette boucle va se retourner sur elle-même (volvulus = retournement en latin), créant une occlusion.

À partir de là, plus rien ne passe, et l'intestin, qui se contracte régulièrement pour faire avancer la matière en digestion, gonfle et provoque ces énormes crampes.

Gee regarde son ventre, il a une petite ampoule à côté de la tête pour dire qu'il comprend tout : « Aaaaaah d'accoooooooooooooooord !  »

D'où la sensation de constipation, puisque tout est bloqué – mécaniquement.

D'où les « fausses diarrhées » qui sont les restes de matière qui restaient dans le rectum avant la torsion ou y qui sont sécrétées dans le cas de la « flotte ».

Gee sourie sur son lit d'hôpital. L'infirmière passe et demande : « Why are you smiling ? You're not hurting anymore ? » Gee répond : « Ah si si, j'ai toujours mal à en crever, mais alors de soudainement comprendre un mal vieux de 10 ans, vous pouvez pas imaginer le bonheur.  En plus c'est un problème mécanique tout con, pas une maladie génétique ou incurable ou que sais-je… » L'infirmière dit : « You won't be smiling for the next step… »

▶️ Le « next step », et ça va encore être poétique, c'est de m'insérer un tuyau dans le fondement, avec un petit ballon au bout.

Un infirmier arrive avec un petit ballon et dit : « Happy birthday. » Gee, le cul à l'air, est blasé : « Au point où j'en suis, vous pouvez bien me rentrer l'hôpital entier dans le fion, à partir du moment où ça arrête la douleur… »

💡 La colo-exsufflation pour les nuls :

Étape 1 : insérer le tuyau avec le ballon jusqu'à la torsion / Étape 2 : gonfler doucement jusqu'à ce que la torsion se relâche / Étape 3 : reculer pour éviter de se prendre les 3 litres d'air et de chiasse qui s'autodigèrent depuis 5 jours et sont libérés d'un coup

C'était pas l'expérience la plus agréable de ma vie, m'enfin c'était pas non plus spécialement douloureux.

Et surtout, en une demi-seconde, il s'est passé ça :

On revoit le graphe de la douleur comme avant (je rappelle que c'est ça en boucle depuis 5 jours) et soudain, ça tombe à 0. Gee, son tuyau dans les fesses, fait : « Aaaaaaaaaaaaaaaaahhhhhh ! »

Je passe la nuit à l'hosto avec le tuyau à l'intérieur et une charmante poche à caca au bout histoire de maintenir le sigmoïde en place un petit moment, mais je m'en fous, je suis bien, je n'ai plus mal.

Gee, heureux avec sa poche à caca : « And I think to myseeeelf : what a wonderful wooorld ! »

💡 On m'explique, pour la suite, que si jamais ça venait à se reproduire, il faudrait songer à une opération pour résoudre définitivement le problème. Je mets ça dans un coin de ma tête.

La Geekette, atterrée : « Parce que tu pensais sérieusement que ça n'allait jamais se reproduire alors que ça t'était arrivé genre 15 fois en 10 ans ? » Gee : « Parce que je t'ai donné l'impression d'avoir agi de manière rationnelle avec ce problème depuis le début de la BD ? » La Geekette : « Certes, vu comme ça… »

La vie reprend son cours après ces vacances ratées.

(On n'aura finalement fait que Londres, Oxford – Jericho's Tavern incluse – et Cambridge…)

Je me renseigne un peu sur le volvulus du sigmoïde et je découvre, entre autres, que c'est un truc qui a taux de mortalité de 7 % à 10 %.

Gee, soudain terrifié : « En estimant une quinzaine de crise sur les 10 dernières années à 93 % de chances de survie, j'aurais donc eu 0,93 puissance 15 chances de survivre…  Soit 67 % de risques d'y rester… Gloups. »

💡 Bon, en fait il y a un gros biais dans ces statistiques dû au fait que cette maladie touche principalement des personnes âgées ou souffrant d'autres pathologies plus graves (cancers et compagnie).

Donc le taux de mortalité pour un mec en bonne santé dans la vingtaine comme je l'étais alors était probablement bien plus faible.

N'empêche que les risques induits si le volvulus persiste trop longtemps foutent quand même un peu les jetons :

A. La nécrose : la torsion fait que les tissus ne sont plus irrigués en sang #ApocalypseZombieDansTonCul / B. La fissure : la pression accumulée et les contractions provoquent une rupture de la paroie intestinale #HiroshimaDansTonCul

Gee résume : « Dans les deux cas, ça pue du cul, mais quelque chose de concret. » Le smiley : « Ça fait beaucoup de culs. »

Bref.

Presque deux ans passent sans crise.

Gee, triomphant : « Ah ! Tu vois ! J'avais raison d'être optimiste !  » La Geekette, pas dupe : « Et donc ? Deux ans sans crise, et… ? » Gee : « Roh, ça va… »

⚠️ Septembre 2017, patatra, nouvelle crise. Cette fois, je suis chez moi, à Nice, et comme je sais ce que c'est – et les risques –, je n'attends pas : direction les urgences.

L'ambiance à la réception tranche pas mal avec celle de l'Angleterre.

La réceptionniste, pas contente : « Normalement, on vient pas aux urgences pour un simple mal de ventre, hein. » Gee : « Oui, mais non mais je… » La réceptionniste : « Pourquoi vous allez pas voir votre médecin traitant ? » Gee : « Bah le temps d'avoir un rendez-vous pi ça sert à rien, je sais ce que c'est, je… » La réceptionniste : « Grrmpff, bon… allez-y… »

On me file du Spasfon, je m'allonge. Les douleurs passent un peu, grâce au Spasfon. L'interne est sceptique.

Gee essaie de la convaincre : « Après, là ça passe un peu, mais vous devriez me faire un scan, vraiment, j'ai déjà eu exactement la même chose, je sais ce que c'est, c'est un volvulus, je vous assure. » L'interne fait : « Mouais, okay. »

On me fait le scan et, bingo : volvulus du sigmoïde. #DieuDuDiagnostique #PrixNobelDeMédecine

L'interne est stupéfaite : « Waw, effectivement ! Eh béh, je sais pas comment vous faites… Moi, à votre place, je serais en train de me rouler de douleur par terre… » Gee : « Ah, oui, ça m'arrive, mais si vous voulez, j'ai un peu appris à gérer la douleur depuis le temps. » L'interne poursuit : « Mais c'est un sacré volvulus, c'est limite un cas d'école* ! Ça vous ennuie pas que je montre ça à mes collègues ? »

Je déconne pas, on m'a vraiment dit ça.

On me transfère dans un autre hôpital.

⚠️ Eh oui, optimisation des établissements et restructurations oblige, il n'y a des urgences que dans un des hôpitaux qui, forcément, n'accueille pas toutes les spécialités, et la gastro-entérologie, c'est ailleurs.

Comme en Angleterre, on se prépare à me faire une colo-exsufflation-tuyau-dans-le-cucul.

Et là, surprise :

Un médecin arrive : « Bonjour, je suis l'anesthésiste, c'est moi qui vais vous endormir. » Gee, surpris et paniqué : « De… hein, quoi ?! On va m'endormir ? Mais la dernière fois, on m'avait pas endormi pour ça ! » Le médecin : « Ah. Bah ici on le fait sous anesthésie. »

N'ayant alors jamais été anesthésié auparavant, on peut pas dire que ça m'ait rassuré.

D'autant plus que, OK, l'intervention n'est pas des plus agréables, mais bon, c'est pas une opération à cœur ouvert non plus… je trouve ça un peu exagéré de passer par une anesthésie juste pour gérer de l'inconfort, mais bon.

Le médecin fait : « Ah mais vous comprenez, se faire enfoncer quelque chose dans le rectum, c'est un traumatisme pour les mâles dominants avec leurs grosses couilles d'hétéros, du coup on préfère les endormir pour les aider à supporter l'affront. » Gee précise : « Ça, soyons clair : j'invente, on ne m'a jamais dit ça.  Mais ça m'étonnerait tellement pas que ce soit une raison à la con comme celle-ci… »

▶️ Bref, je me réveille quelques minutes plus tard, sans volvulus et sans douleur, et je repasse une nuit à l'hosto avec mes amis tuyau-dans-le-fion et poche-à-caca.

Gee, un peu blasé sur son lit, fait : « On s'était dit rendez-vous dans 2 ans… même jour, même heure, même port…  Même port anal, gnéhéhé… » Le smiley remarque : « Notez que la qualité musicale baisse au fil des hospitalisations. Encore 2 volvulus et il fait tourner les serviettes. »

Et dans le prochain épisode, je vous raconte le dénouement de l'épopée fabuleuse de mon côlon sigmoïde.

Un mec costumé dit : « Je crois savoir que ça ne s'est pas bien terminé pour lui, non ? » Gee : « Ça va, Captain Spoiler, on t'a pas sonné. » Note : BD sous licence CC BY SA (grisebouille.net), dessinée le 23 octobre 2020 par Gee.

Vous pouvez maintenant lire la suite et fin !

Publié le 26 octobre 2020 par Gee dans La fourche

🛈 Si vous avez aimé cet article, vous pouvez le retrouver dans le livre Grise Bouille, Tome V.

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