Bye bye RedBubble

Publié le 30 octobre 2020 par Gee dans Sur le blog

Allez, aujourd’hui je vous raconte une petite histoire de copyright madness comme on les aime.

Depuis quelques années (depuis février 2016, pour être précis), j’utilise le site RedBubble pour proposer quelques goodies / produits dérivés autour de mes BD. La boutique est assez limitée et je m’en occupe peu, mais bon, c’est là, voilà. Y’a une vente de temps en temps, c’est sympa.

Capture d'écran de ma boutique RedBubble

Le 23 septembre dernier, je reçois un mail de la part de RedBubble qui m’informe qu’un de mes travaux a été retiré de la boutique parce qu’un ayant-droit s’est plaint d’un usage frauduleux de contenu copyrighté. L’email ne me surprend pas, car outre mes dessins (qui sont tous originaux et sous licence libre), je propose le t-shirt humoristique suivant :

T-shirt Keep Calm and Fuck GAFAM

Bien que l’usage des logos me semble autorisé dans le cadre du droit à la parodie, je me doute également que les GAFAM se torchent le fondement avec les subtilités du droit d’auteur français, et je me suis toujours attendu à ce que cette œuvre finisse par être retirée à un moment ou un autre. Sur le moment – je suis en vacances –, je hausse les épaules, j’éteins mon smartphone et j’oublie ce petit désagrément.

Quelques semaines plus tard, je repense à cette histoire et je vais relire le mail. Et là, quelle n’est pas ma surprise de constater que, contrairement à ce que je pensais, ce n’est pas du tout le t-shirt GAFAM qui a été retiré du site, mais… cette image :

Dessin de Gee qui tape dans un e-mail pour le balancer dans une corbeille « spam »

Là, je bug un instant. Que… quoi ?! Pour le coup, il n’y a aucune ambiguïté, ce dessin (issu de ma BD Ne partez pas si vite ! et aussi utilisé comme couverture du Tome I de Grise Bouille) est une création 100 % originale. Quelle esprit tordu va trouver une infraction au copyright là-dedans ? La réponse se trouve dans le mail : Hormel Foods Corporation.

Jamais entendu parler. Du coup, je cherche sur Internet des infos sur cette entreprise. Très vite, je tombe sur cette image :

Une boîte de conserve Spam.

Spam. Une marque de bouffe. Je suis sur le cul. Une entreprise essaie réellement d’interdire l’usage du mot « spam », un terme incroyablement courant et compris unanimement comme désignant un mail indésirable, parce que c’est aussi une de leurs marques ? Même pas une marque liée à l’informatique, mais une marque de bouffe ?!

Eh bien… oui. Et en cherchant un peu plus, je me rends compte qu’ils n’en sont pas à leur galop d’essai, comme le montre cet article de Libération datant… de 2006 !

Capture d'écran d'un article de Libération « La marque du spam »

Bon. Notez que bien que le terme informatique soit effectivement issu de la marque en question (suite à un sketch des Monty Python), la justice a toujours donné tort à Hormel Foods Corporation sur ce sujet : on est parfaitement libres d’utiliser le mot « spam » dans son sens d’email indésirable, ça ne constitue aucune infraction au copyright, et encore heureux, faut pas déconner (imaginez si la Société du Papier Linge venait vous embêter à chaque fois que vous dites « sopalin » pour parler d’essuie-tout…). Le retrait de mon œuvre sur cette base étant visiblement injustifiée (et probablement l’œuvre d’un bot qui a juste cherché le mot « spam » et a supprimé en masse), je me dis que je vais le contester auprès de RedBubble. Car le mail précise bien :

Contest the removal This is only appropriate if you believe that removal of your work is a mistake or that your work is parody, satire, critical commentary or other fair use. More information on the counter notice process can be found here.

Sauf que ce « here » renvoie sur une page qui explique principalement comment demander la suppression d’un article, pas la contestation de cette suppression. Je fouille, je fouille, les CGU, la FAQ, etc., mais je ne trouve rien pour contester, pas de formulaire, pas de mail, pas de procédure, niet, nada, que dalle.

Je finis par laisser tomber et j’envoie ce mail à l’adresse propriete-intellectuelle@redbubble.com, l’adresse censée recevoir les demandes de suppression (ce n’est pas totalement déconnant qu’elle reçoive aussi les contestations, me dis-je) :

Bonjour,

Je me permets de contester ce retrait de mon travail « Ptilouk.net – Spam ».

Hormel Foods Corporation prétend qu’elle constitue une infraction à sa propriété intellectuelle, ce qui est faux : l’œuvre en question est ma propriété entière, elle n’utilise aucune source tierce, c’est un dessin au trait parfaitement original.

En cherchant des informations sur Hormel Foods Corporation, je constate qu’ils commercialisent un produit du nom de « Spam », j’imagine donc que le litige vient de là : le mot spam est extrêmement courant pour désigner un courriel indésirable, il me semble assez incroyable de considérer que l’utiliser dans ce sens informatique constitue une infraction intellectuelle à une marque de nourriture

Je vous serais donc reconnaissant de rétablir la disponibilité de mes produits basés sur « Ptilouk.net – Spam », dont la suppression est injustifiée.

Bien cordialement,

J’envoie ce mail le 8 octobre. Dix jours plus tard, toujours pas de réponse. Je tente un dernier coup, j’interpelle RedBubble publiquement sur Twitter le 19 octobre :

Coucou @redbubble_fr, un de mes travaux a été retiré de ma boutique pour supposée violation de copyright (ce qui est faux, c'était une œuvre 100% originale) : comment puis-je contester ce retrait injustifié ? Merci !

— @gee@framapiaf.org Ⓐ⚑ (@ptilouk) October 19, 2020

À ce jour, ni mon mail ni mon tweet n’ont reçu la moindre réponse. Je constate en revanche que le compte Twitter a répondu à d’autres gens depuis, j’en conclus que le silence à mon égard est volontaire.

Eh bien vous savez quoi ? Tant pis. Bye bye RedBubble  !

Oui, je pourrais sans doute uploader une version modifiée du dessin avec « pourriel » à la place de « spam », mais franchement, à ce niveau, un ragequit me paraît plus approprié.

Je clôture donc ma boutique RedBubble, sans regret. En presque 5 ans, j’ai vendu le nombre incroyable de 25 produits qui m’ont rapporté la bagatelle de 42,52 € de royalties, c’est dire si j’en avais de toute façon quelque chose à secouer. Je gagne presque le double chaque mois via Tipeee (et sans exploiter des bangladais pour fabriquer des t-shirts, ce qui ne gâche rien) – merci à mes tipeuses et tipeurs d’ailleurs.

40 balles en 5 ans, autant dire pas assez pour que je perde mon temps à jouer au bras de fer avec une entreprise qui préfère se coucher derrière les injonctions d’autres entreprises zinzins du copyright plutôt que de prendre la peine de répondre à des gens qui font effectivement des créations originales comme moi. Oui, parce que si vous voulez avoir une idée d’où on en est niveau respect du copyright chez RedBubble, allez donc chercher des termes comme Star Wars, South Park ou Tintin sur leur moteur de recherche, vous allez pisser de rire. Mais c’est vrai, comparé à une utilisation du mot « spam », c’est sans doute rien.

Au revoir donc, RedBubble, je pense qu’on se manquera pas, ni l’un à l’autre, ni l’autre à l’un.

Quant à vous, chères lectrices et chers lecteurs, si vous voulez des t-shirts ou des mugs Grise Bouille, je vous invite donc à les faire vous-même, je rappelle que le blog est sous licence libre et que les sources (au format vectoriel redimensionnable à l’infini sans perte de qualité) sont disponibles. Les sources de la boutique sont sur le tracker Git depuis le début, d’ailleurs, vous pouvez même trouver celles du t-shirt GAFAM. Avec le recul, je devrais peut-être y ajouter un logo en RB…

Publié le 30 octobre 2020 par Gee dans Sur le blog

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