Fakir et l'IA : y'a rien qui va
C'est le petit scandale qui a agité les cercles de gauche sur les médias sociaux la semaine dernière. J'en ai moi-même pas mal parlé sur mon compte Mastodon, et je pense que ça vaut le coup de faire un petit article qui résume ce qui s'est passé, et à quel point, dans toute cette affaire, y'a rien qui va.
L'objet du scandale : un livre de coloriage
Lundi 2 juin, les différents comptes de médias sociaux de Fakir postent un message de ce type (ici, version Bluesky) :
Immédiatement, le journal se prend une volée de bois vert par la quasi-totalité des gens qui commentent, et pour cause : il est très clair que les dessins n'ont pas été dessinés par un être humain mais bien pondus par une IA générative de type ChatGPT (que, pour des soucis de simplicité, nous abrégerons en « IAgen » pour le reste de cet article).
Et il y a vraiment beaucoup d'indices qui le montrent (je dis « indices » pour être gentil, on pourrait assez facilement considérer ça comme des preuves…). Allez, pour le plaisir, une petite revue (vous pouvez cliquer sur les images pour les voir en grand). Tout ce que je note en rouge est le genre d'erreur typique des IAgen, et extrêmement rare (pour ne pas dire inexistant) chez des illustrateurs ou illustratrices.
Ça commence dès la couverture (!) :
Au-delà de tous ces indices, ce style est exactement le style qu'on obtient si on fait un prompt sur ChatGPT qui demande de nous faire un dessin pour un livre de coloriage. Mais vraiment, EXACTEMENT.
Comparez par vous-même :
Évidemment, le dessin n'est pas exactement le même (c'est le propre des IAgen que d'intégrer beaucoup d'aléatoire dans la génération), mais on peut difficilement ne pas voir la similitude… jusqu'au fameux mélange 4 doigts / 5 doigts1 !
Bref, dès le premier message de Fakir, c'est quasiment une certitude pour toute personne ayant un minimum suivi l'avènement de l'IAgen de ces dernières années : le bouquin a été réalisé via des prompts ChatGPT (ou autre IA du même style). Ce qui la fout plutôt très mal pour Fakir.
Pourquoi ça la fout mal ?
Parce que Fakir et tout ce qu'il représente (une gauche plus radicale que le PS, incarnée par Ruffin, mais sans aller à l'extrême-gauche — OUI JE SYNTHÉTISE À LA SERPE, M'EMMERDEZ PAS) ont comme principaux chevaux de bataille la justice sociale et environnementale. Or l'IAgen est un désastre sur les deux plans.
Je ne vais pas vous refaire ma métaphore du prestidigitateur et du sorcier, mais en gros :
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c'est une technologie qui a été construite sur le pillage massif de l'intégralité de l'art en ligne, sans aucun respect pour le droit d'auteur, sans aucune rétribution ni égard pour les artistes qui ont produit les données d'entraînement à leur insu ;
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c'est une technologie qui a aujourd'hui pour conséquence de mettre tout plein d'artistes sur la paille, puisqu'au lieu de payer quelqu'un qui va utiliser ses compétences et son talent pour illustrer quelque chose, il est évidemment plus rentable de se payer un abonnement pro à ChatGPT et de générer des images en quelques secondes, images issues d'une sorte de plagiat géant organisé par OpenAI et compagnie (mais comme c'est des grosses boîtes, ça va, eux on va pas leur balancer du Hadopi dans la tronche) ;
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enfin, c'est une technologie particulièrement gourmande en ressources et qui participe à faire bondir les émissions de CO2 à l'heure où il serait plus que temps de les réduire drastiquement.
Et autant, en tant que prof occasionnel en IUT d'informatique, j'ai du mal à en vouloir à mes élèves de 18 piges qui utilisent ChatGPT à tour de bras (et qui sont avant tout victimes de ce mouvement dont ils et elles ne mesurent malheureusement pas les conséquences sur leurs propres vies à long terme)… autant on attendrait un peu plus de réflexion et de recul de la part d'un journal engagé, de gauche, et qui, encore une fois, insiste toujours sur justice sociale et justice environnementale.
Bref, c'est une très grosse boulette de la part de Fakir, d'où les innombrables remontrances (pas volées) qu'ils se prennent dans les commentaires.
Focus sur Karim Cherifi
Assez rapidement, le journal répond aux accusations :
Aïe. De toutes les défenses, commencer par nier en bloc, « aucune IA n'a été utilisée », quand tous les indices sont aussi évidents, ça part mal. De deux choses l'une : ou Fakir nous prend pour des buses, ou bien c'est le fameux Karim Cherifi qui a pris Fakir pour des buses en ne leur précisant pas qu'il utilisait l'IAgen.
Ce qui pose déjà en soi un problème sur la qualité de la chaîne éditoriale : que personne n'ait tiqué sur les erreurs (nombre de doigts en premier) avant la publication, ça sent au minimum le truc fait « à l'arrache » et sans trop de soin. Mais OK, quelque part, c'est moins grave que d'avoir commandité soi-même un truc à base d'IAgen.
Là où ça tique pas mal sur les médias sociaux, c'est sur ce fameux « Karim Cherifi ». Évidemment, en quelques recherches, on tombe sur deux profils Malt (un annuaire de freelances), dont celui-ci dont j'avais pris une capture d'écran (pas de lien car il n'est plus disponible, on va y venir) :
Ça commence vraiment à puer : le type se dit « graphiste » et non illustrateur (la nuance a son importance), il ne montre aucun portfolio, il a une bio qui est un lorem ipsum, et il propose un tarif à 250 € par jour… ce qui est très très bas pour un graphiste, d'autant plus un qui revendique 8-15 ans d'expérience (mais n'a aucun portfolio pour montrer ce qu'il a foutu pendant ses 8-15 ans).
Très peu de traces du bonhomme sinon, pas de page Instagram, pas d'exemple de dessin, rien. On trouve son site officiel K13 Corner (confirmé par Fakir) : un site de graphiste, évidemment aucune illustration, aucun dessin n'est montré. Juste de la photo, des travaux de mise en forme, pas mal choses qui ressemblent encore une fois énormément à de l'IAgen… et même du plagiat, comme le notera Clayton DRX sur Bluesky :
Bref, là, deux hypothèses :
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Guillaume Meurice et Philippe Laumont (les auteurs) ont fait appel à un pote graphiste qui les a pipeautés sur ses capacités à faire de l'illustration, et il a fait faire son boulot par l'IAgen ;
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l'un d'entre eux (ou le journal) a cherché un graphiste pas cher sur Malt et a pris le premier venu sans rien vérifier (ce qui ne serait pas très glorieux).
Oui, parce qu'un des problèmes que pose ce genre de personnage, voyez-vous, c'est bien cette pratique :
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mettre des tarifs très bas qui défoncent toute concurrence avec de véritables artistes (qui mettent logiquement du temps à dessiner, temps qui doit être rémunéré à sa juste valeur) ;
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remporter donc plein de contrats ;
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faire faire le boulot par une IAgen en un temps ridiculement faible ;
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empocher donc les thunes à un tarif horaire réel ridiculement élevé !
À ce moment-là, il devient assez clair qu'un truc pas bien reluisant s'est passé en coulisses, d'une manière ou d'une autre. Et là, malheureusement, Fakir adopte la pire stratégie de défense possible…
Fakir comme Bayrou devant le scandale Bétharram
C'est sur Facebook que le journal choisit de répondre par ce message que je vous laisse apprécier :
Aïe.
Aïe aïe aïe.
Là, moi, je me dis que ça prend une très mauvaise tournure, tout ça : j'ai l'impression de voir Bayrou continuer à essayer de se dépêtrer des accusations dans l'affaire Bétharram (même si l'affaire dont on parle ici-même est immensément moins grave, bien évidemment). Et c'est assez triste de voir un journal qu'on aime bien (j'y suis même abonné, c'est vous dire) jouer le même air de flute qu'un vieux politicard de droite épinglé par Mediapart. Très triste, même.
Déjà, « on vous prépare une réponse », c'est quand même une tournure suspecte : soit on a réponse satisfaisante, soit on n'en a pas et on se laisse le temps d'en bricoler une pour sauver les meubles. Ensuite, sous-entendre que les personnages avec un nombre de doigts différents à chaque main, ce serait volontaire, euhh… Et puis le ton, ce ton condescendant, très très mauvaise tactique pour désamorcer un shitstorm.
Là, je sens venir la défense « haha, mais on a imité l'IAgen pour mieux la dénoncer, évidemment » ! Sauf que si ça avait été l'idée, il aurait fallu pousser le trait plus fort, et surtout rendre ça clair en communiquant dessus…
Je ne suis pas le seul à tiquer évidemment, et j'adhère totalement à cet avis posté dans ce commentaire Facebook :
Pendant ce temps-là, CheckNews fouille un peu, va interroger le fameux Karim Cherifi et, oh surprise, celui-ci avoue… à demi-mots.
La suite vaut son pesant de cacahuètes. Extrait choisi :
Contacté par CheckNews, le graphiste reconnaît pourtant, et dit même « assumer », d'avoir utilisé « les outils d'IA générative inclus dans Photoshop, à la toute fin de son travail » pour obtenir un « trait clair » et harmoniser les dessins façon « livre de coloriage ». « Comme le ferait un chanteur qui utilise l'autotune », une fois la chanson enregistrée. « Mais, je n'ai pas généré à partir de zéro des dessins », avec des prompts textuels, assure-t-il, renvoyant lui aussi au travail d'élaboration des croquis de plusieurs mois.
Alors ça, vous voyez, ça s'appelle noyer le poisson en confondant deux types d'IA, et en fait deux technos différentes : l'autotune, ça corrige une voix pas forcément juste de bout en bout ; de la même manière, on peut voir des outils de correction dans Photoshop et cie. Mais ce n'est pas de cela qu'on l'accuse : on l'accuse d'avoir généré ses dessins par IAgen, d'avoir laissé une machine faire le boulot de bout en bout, pas d'avoir corrigé à la marge un dessin à lui !
D'ailleurs, oh surprise, quand on le pousse dans ses retranchements…
Mais confronté à la similitude entre l'image de coffre qu'on retrouve dans le livre et celle générée par CheckNews avec ChatGPT, il admet finalement avoir « généré certaines images car l'imprimerie a avancé la deadline de trois semaines ». « Il s'agit des dessins en page de gauche, qui servent à aérer la partie texte, mais cela ne concerne pas les grands dessins de coloriage de l'ouvrage », tient-il à préciser.
Ça rame, ça recule à tâtons dès que c'est acculé, je vous jure, c'est bluffant de similitude avec un évadé fiscal qui se mange une enquête de Mediapart distillée article après article. Parce que vraiment, on pourrait continuer à le pousser et à montrer que même pour « les grands dessins », on arrive à générer des trucs incroyablement proches avec ChatGPT.
Non, ça n'est pas « juste pour harmoniser » « quelques dessins ». C'est tout le bouquin qui a été généré (ou en tout cas, tout ce qu'on a en vu sur internet).
À côté de ça – surprise ! – les profils Malt de Karim Cherifi disparaissent subitement. Ça sent l'opération de damage control très foireuse en cours.
La réponse « aux petits oignons » de Fakir
Jeudi 5 juin, Fakir poste enfin ce message :
Je vous retranscris le texte des images :
C'est mardi soir qu'on a vu arriver vos premiers messages : « Le lapin, sur la couverture, il a trois yeux, ça signifie que le dessin a été généré par Intelligence artificielle ! »
Ben non, on s'est dit.
C'est même ce qu'on raconte dans le bouquin : le nucléaire, la planète qui se détraque, ça va nous faire des lapins à trois yeux, et plein d'autres joyeusetés comme ça, bientôt. C'est l'idée de ce livre : détourner le concept de coloriage pour éveiller les enfants aux réalités d'aujourd'hui, avec un peu d'humour, pour pas totalement leur foutre le cafard. C'est Philippe Laumont, réalisateur, qui nous a proposé le projet, avec son collègue Karim Cherifi pour les illustrations, avec de bon vieux crayons, et puis Guillaume Meurice pour les textes.
On a regardé ensemble les premiers croquis, les premiers textes... Et on a dit banco !
Et puis vos messages, donc : y aurait de l'IA, dans le bouquin. Au point que Libé a creusé, et assure que les croquis, que le journal a pu consulter, ont « été réalisés à même des sets de table », et donc « qu'une partie au moins du travail graphique n'a pas été réalisé par une IA, mais bien par un humain ». Mais aussi que « le graphiste assume avoir utilisé les outils d'IA générative inclus dans Photoshop à la toute fin de son travail pour obtenir un trait clair et harmoniser les dessins » façon « livre de coloriage », et « générer certaines petites images d'illustration ». Et que tout ça « ne concerne pas les grands dessins de coloriages de l'ouvrage ».
Bon.
Du coup, oui, l'IA a été utilisée pour finaliser des dessins.
Comme on n'y connaît rien, à l'IA, et qu'on ne bosse, depuis vingt-cinq ans, qu'avec des dessinateurs à l'ancienne (Fabian, notre directeur de publication, dessinateur lui-même, bosse encore à l'encre, au crayon et au pinceau), on n'a rien vu. Un comble, c'est sûr, pour des gens comme nous allergiques aux nouvelles technologies, au point que nos journalistes écrivent toujours leurs articles sous Windows XP et sur des claviers décrépis, ou que le rédac' chef refuse encore et toujours d'utiliser un smartphone. On n'y a vu que du feu, mais c'est aussi notre faute, quelque part.
On tient à rassurer la communauté des illustrateurs qui nous ont alertés : on ne cautionne pas l'usage de l'IA générative. Vingt-cinq ans qu'on privilégie l'humain, qu'on se méfie des nouvelles technologies, qu'on fait appel à des dessinateurs en chair et en os pour illustrer nos articles. Et on continuera.
Un message assez inattendu et très incohérent avec le fameux « parce que vous croyez vraiment que Karim Chérifi, le graphiste, a dessiné un lapin avec trois yeux et une main avec quatre doigts en couverture sans s'en apercevoir ? Que ce n'est pas volontaire ? Nous sommes de sacrés amateurs, manifestement ! »
Mon avis ? Ils ont commencé à réfléchir à une stratégie pour faire « comme si c'était fait exprès », et ont pigé qu'ils étaient grillés avec l'article de CheckNews, et ont donc enfin décidé d'avouer ce que tout le monde avait compris dès le début… mais encore une fois, à demi-mots.
Je vous laisse par ailleurs apprécier les croquis fournis :
Je suis désolé mais je ne peux pas m'empêcher de repenser au commentaire que j'ai cité plus haut « c'est le Karim qui va turbiner pour s'inventer un carnet de dessin en recalquant ses impressions IA avec de faux traits de construction par-dessus ». Parce qu'honnêtement, le style des « croquis » diffère quand même beaucoup du résultat final. Pourquoi la coccinelle des croquis devient un papillon, pourquoi la souris devient une taupe ?
Bizarre aussi de refaire trois fois un dessin complètement différent (ce n'est pas un croquis qu'on affine) pour dire la même chose. C'est typiquement ce que fait l'IAgen, en fait. Si j'étais taquin, je soupçonnerais qu'il a regénéré 2 autres images avec le même prompt et qu'il les a redessinés à la main pour faire genre « regardez, j'ai fait des trucs à la main avant ».
Et en même temps, peut-être que non, peut-être que le mec a juste cette méthode de travail. J'y crois moyen, mais c'est possible, après tout. Le problème ? Fakir a commencé avec la ligne de défense « nier tout en bloc », Cherifi a sorti des grosses rames pour répondre à CheckNews. Le résultat, c'est qu'on ne croit plus à rien de ce qu'ils nous racontent, maintenant.
Vous auriez pu faire beaucoup mieux que ça…
Cher Fakir, c'est tout le problème de cette stratégie de défense : en essayant de sauver les meubles, vous vous êtes sabordés tous seuls. On aurait pu espérer qu'enquêter sur les turpitudes des politiciens pourris et leurs lignes de défenses foireuses vous aurait appris à ne pas faire pareil, mais visiblement non.
Vous savez ce qui aurait été chouette ? Qu'au lieu de nier en bloc dès le début, vous ayez pris 5 minutes pour en discuter entre vous. Et qu'ensuite, vous ayez posté un message qui aurait dit :
Mince, on vient d'en parler avec le graphiste, effectivement, il a utilisé de l'IAgen pour faire le bouquin. On s'excuse, on ne savait pas, on a merdé.
Voilà. Ça aurait été rapide, clair, simple. Ça aurait sans doute pas mal dégonflé le shitstorm. Mais non, vous avez choisi la défense Bayrou. Et comme Bayrou, vous avez été, pardon de le dire, pitoyables.
Le pire est que cette dernière réponse n'assume même pas jusqu'au bout : en gros, oui, il y a eu de l'IA, mais… et maintenant ? Retirer le livre de la vente ? Le refaire avec une vraie personne qui fait vraiment du dessin ? Genre quelqu'un qui fait déjà des dessins pour Fakir ? Il y en a, bon sang !
Ça n'est pas dit. Donc non, j'imagine que ça ne sera pas fait. D'ailleurs le bouquin est toujours en vente à l'heure où je publie cet article. On a donc juste un « OK vous aviez raison », mais aucune excuse et aucune conséquence derrière. Non seulement la ligne de défense était pitoyable, mais on termine sur une note de lâcheté incroyable, une sorte de « j'assume » qui n'assume rien du tout.
On tient à rassurer la communauté des illustrateurs qui nous ont alertés : on ne cautionne pas l'usage de l'IA générative.
En quoi cela devrait-il nous rassurer ? Caution ou pas, vous vendez un bouquin qui est basé sur l'IAgen.
Petite gueulante de fin : réveillez-vous
Bon. Voilà pour l'affaire, maintenant je voudrais quand même conclure sur ce paragraphe qui constitue pour moi le cœur du problème :
Comme on n'y connaît rien, à l'IA, et qu'on ne bosse, depuis vingt-cinq ans, qu'avec des dessinateurs à l'ancienne (Fabian, notre directeur de publication, dessinateur lui-même, bosse encore à l'encre, au crayon et au pinceau), on n'a rien vu. Un comble, c'est sûr, pour des gens comme nous allergiques aux nouvelles technologies, au point que nos journalistes écrivent toujours leurs articles sous Windows XP et sur des claviers décrépis, ou que le rédac' chef refuse encore et toujours d'utiliser un smartphone. On n'y a vu que du feu, mais c'est aussi notre faute, quelque part.
Comment ça, « quelque part » ? Bien sûr que c'est de votre faute ! Et vraiment, j'espère que la partie sur Windows XP est une vanne, parce que pour un journal qui fait un poil d'investigation, si vous utilisez vraiment un OS qui n'a plus reçu de mise à jour de sécurité depuis plus de 10 ans, vous êtes en plus de cela complètement irresponsables.
J'espère aussi que cette mésaventure vous aura fait une petite sonnette d'alarme pour vous signaler que vous étiez en train de passer à côté d'un truc important ; que ce que vous en retirerez, ça ne sera pas « dis donc ils sont vraiment méchants sur internet » mais « on a merdé et ça révèle un domaine où on devrait s'améliorer ». Clairement, il y a l'avenir de tout un tas de travailleurs et travailleuses qui est en jeu, vous ne pouvez pas vous planquer derrière « on se méfie de la technologie ».
Parce que pardon, mais on s'en tape que vous n'aimiez pas les smartphones ou l'IA. Vous croyez que j'aime bien ? Vous croyez que ça change quelque chose pour les gens qui n'ont pas le luxe de pouvoir ignorer l'ouragan qu'apporte l'IA ? Vous êtes des journalistes, vous avez un devoir d'informer, et pour ça il faudrait déjà s'informer soi-même ! Comment vous pouvez espérer émanciper les gens si vous ignorez même ce qui les aliène ?
Je suis désespéré de voir à quel point les forces de gauche sont à la bourre sur ce genre de sujet : l'IAgen explose depuis plusieurs années déjà, et ses conséquences bien flippantes se font déjà largement ressentir. Mais on en est encore à voir LFI faire tranquillement joujou avec les avatars style Ghibli générés par OpenAI2 ; à les voir utiliser l'IA d'un fasciste notoire pour générer des affiches douteuses3 ; et à voir maintenant Fakir ne même pas prendre la peine de faire machine arrière quand ils publient sans s'en rendre compte un bouquin généré par de l'IA.
Non, ce n'est ni rigolo ni charmant de vous voir revendiquer votre inculture numérique comme un trophée : vous passez votre temps à parler des ravages de l'ubérisation ? Eh bien l'IAgen c'est la vitesse supérieure ! C'est ce que vont se prendre dans la tronche, ou se prennent DÉJÀ dans la tronche, des dizaines de milliers de travailleurs et travailleuses – dans le graphisme, mais pas seulement, loin de là. L'incendie est là, on n'a pas le temps d'attendre 10 ans que vous daignez enfin vous y intéresser pour faire des articles sur les cendres !
Réveillez-vous, sortez la tête du sable, regardez autour de vous et faites votre boulot, merde !
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petite précision : j'ai vu pas mal de monde tiquer sur les 4 doigts. En soi, ça peut être un choix graphique, souvent issu du dessin animé / cartoon. Personnellement, mes personnages ont toujours 4 doigts, justement pour l'aspect cartoon, et ce qui permet aussi de faire des doigts plus gros et moins complexes. En revanche, personne ne s'amuse à faire des personnages avec 4 doigts d'un côté et 5 doigts de l'autre ! ↩
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voir L’usage « inconséquent » du « style Ghibli » généré par OpenAI par les politiques sur Next ↩
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voir LFI, Hanouna et Grok : l’IA n’est pas responsable des consignes des humains sur Numerama ↩