L’autre pandémie
« La crise économique qui vient risque de faire plus de morts que la crise sanitaire du COVID-19. »» qu’on nous dit. L’occasion de faire le point sur l’autre pandémie, la vraie, la grosse, celle qui pourrait bien nous éradiquer une bonne fois pour toutes.
L'autre pandémie
💡 La crise sanitaire du COVID-19 s'accompagne, on le sait, d'une crise économique majeure. On peut d'ailleurs souvent lire ou entendre ce genre de commentaire :
Ou, dans sa version moins faux-cul :
⚠️ Oui, réfléchissez quand même deux secondes avant de suggérer ce genre de calcul. Parce que si on part du principe qu'on peut sacrifier des vies humaines pour des raisons financières, l'option de zigouiller les plus fortunés pour redistribuer leur pognon (au hasard, pour financer l'hôpital, pour commencer) va devenir envisageable.
Alors je sais, on va me dire qu'il y a une différence entre tuer volontairement et « laisser mourir » des gens d'une maladie.
M'enfin à partir du moment où on décide sciemment d'exposer ces personnes aux risques du COVID-19 alors qu'on a les moyens de les protéger, la nuance devient faible.
💡 Le ressort principal de ce type de raisonnement, c'est de considérer les lois de l'économie comme des lois naturelles et immuables, afin de mettre la crise économique sur le même plan que la crise sanitaire.
⚠️ Le système économique actuel N'EST PAS une loi naturelle – pas plus que n'importe quel système économique – et il est même très récent dans l'histoire.
Le capitalisme moderne
– économie de marché basée sur la propriété privée lucrative –
s'est développé aux alentours de la révolution industrielle, il y a entre 200 et 250 ans.
Le néolibéralisme
– extension de l'économie de marché capitaliste à l'ensemble des activités humaines, soutenue par un État providence au service des entreprises privées –
a commencé sa colonisation du monde sous l'impulsion des Reagan et autres Thatcher, il y a 40 ans.
Rappelons que l'être humain a 300 000 ans et que les premières civilisations sont apparues il y a environs 5000 ans.
En réalité, si on prend du recul sur la situation actuelle, la baisse brutale d'activité économique pourrait bien se passer (si si).
▶️ Pour les activités non-essentielles :
▶️ Pour les activités essentielles :
▶️ Une baisse de production combinée à une baisse de consommation ne pose conceptuellement aucun problème. Il n'y a aucune raison matérielle pour que cet arrêt de la production dans les secteurs non-essentiels génère de la misère, des famines et des morts.
Alors vous allez me dire :
Voiiiilààààààààà.
Nous sommes donc bien d'accord : c'est un problème d'organisation économique, de production monétaire, de répartition de la richesse créée, etc.
PAS un problème de production ou de consommation.
PAS un problème équivalent à une catastrophe naturelle insurmontable.
Un des verrous au centre du problème, c'est que l'argent ne circule pas uniquement pour rémunérer le travail… il circule aussi pour rémunérer le capital.
▶️ Pour simplifier, ça ne se passe pas comme ça :
▶️ Mais comme ça :
⚠️ Et comme les propriétaires des moyens de production dominent dans le rapport de force, dans les faits, même en cas de baisse d'activité, le capital continuera d'être rémunéré… au détriment des travailleurs et travailleuses qui paieront donc la note.
Et le pire dans tout cela, c'est que la monnaie étant intégralement créée par le mécanisme du crédit, la croissance continue de l'activité est nécessaire pour payer les intérêts des dettes… avec de nouvelles dettes, indéfiniment.
Sans quoi, aucune monnaie n'est émise et aucune activité économique ne peut avoir lieu.
▶️ C'est cela (et non pas la force des choses ou la nature) qui rend la situation actuelle dramatique et la construction d'alternatives, comme la décroissance, impossible en l'état.
Encore une fois, on essaie de nous faire avaler l'histoire que ce modèle d'organisation économique capitaliste est vieille comme le monde, mais c'est faux : au Moyen-Âge, en Europe, par exemple, les prêts avec taux d'intérêt étaient très mal vus voire interdits selon les périodes.
💡 On appelait ça l'usure, et allez donc lire la Bible (un bouquin qui, à ce qu'on dit, avait une vague importance en ce temps-là, hein) pour voir ce qu'on y dit des usuriers.
Bref, aucun de ces mécanismes n'est inscrit dans les lois de l'univers au même titre que les lois de la physique : il s'agit de constructions humaines que nous avons faites et que nous pouvons par conséquent défaire.
⚠️ Quand on vous dit « la crise économique tuera plus que le COVID-19 », il faut entendre « la grande bourgeoisie préfère voir les pauvres crever par millions que renoncer à ses privilèges ».
L'obscénité du capitalisme apparaît d'autant plus lorsque le coût de sa préservation se chiffre directement en nombre de morts.
La pandémie de COVID-19 a sérieusement ébranlé le système capitaliste : que les conséquences de cet ébranlement soient reportées sur les vies humaines n'est ni une fatalité ni une loi naturelle, c'est un choix fait par les personnes en position de pouvoir dans ce système.
L'autre pandémie n'est pas la crise économique : la crise économique n'est qu'un symptôme, mais ne nous trompons pas sur le mal.
⚠️ C'est le système économique lui-même, le capitalisme et son ultime variante, le néolibéralisme, qui sont la pandémie qui a contaminé l'humanité depuis des décennies.
Cette autre pandémie qui, elle, pourrait bien finir par avoir la peau de l'espèce humaine pour de bon.
Oui, je crois qu'à ce niveau-là, les représenter en méchants de James Bond est à peine caricatural.
💡 Du point de vue de la pandémie capitaliste dont la phase terminale sera l'effondrement écologique, les mesures prises pour lutter contre la pandémie de COVID-19 sont un bon début.
▶️ Si nous voulons survivre à cette autre pandémie, il ne faut pas se demander comment on va pouvoir faire la « reprise », mais plutôt comment on pourrait s'organiser pour NE PAS reprendre !
Annuler les dettes, changer le mode de création monétaire pour accompagner une société de décroissance, décider démocratiquement des métiers et domaines d'activités nécessaires et ceux dont on ne veut plus, organiser la baisse de l'activité au lieu de la subir…
Les leviers sont nombreux et, contrairement à ce que cette bonne vieille TINA veut nous faire croire, ils existent.
(J'aurais bien évoqué aussi le fait que la gravité de la crise du COVID-19 soit en partie due aux politiques néolibérales mises en place par ces mêmes personnes, ou le fait que leurs rémunérations indécentes soient en général justifiées par le fait qu'elles « prennent des risques » – bah voilà les gars, le risque il est là, il est l'heure de passer à la caisse – mais cet article est déjà beaucoup trop long.)
Lorsque la pandémie de COVID-19 sera derrière nous, il faudra choisir entre relancer l'autre pandémie ou la combattre.
Choisis ton camp, camarade.
🛈 Si vous avez aimé cet article, vous pouvez le retrouver dans le livre Grise Bouille, Tome V.