Profilage de code & fraude fiscale
Comment ça, « ça n’a rien à voir » ?
Bon, vous l’aurez compris, on va causer à la fois informatique et politique… et j’vais encore être grossier, mais ils m’énervent à la fin, avec leurs conneries. Rooogn’tudju.
Profilage de code & fraude fiscale
💡 Pour celles et ceux qui l'ignorent, lorsque je ne gri(se)bouille pas, je suis développeur informatique.
Je ne vais pas vous expliquer en long en large et en travers, mais en gros, mon boulot, ça consiste à faire ça :
Une partie que j'ai jamais évoquée est l'optimisation, qui consiste à essayer de faire la même chose en utilisant moins de ressources (dans un programme, les ressources se résument surtout au temps et à la mémoire utilisée).
⚠️ Avant d'optimiser quoi que ce soit, il existe une étape très importante (et parfois sous-estimée) qui consiste à bien identifier les parties qui consomment effectivement trop de ressources : on appelle ça le profilage de code (francisation de « code profiling » en anglais).
Imaginons donc que quelqu'un utilise un programme qui se compose de deux fonctions :
Ce programme est très lent, il prend une heure pour tourner. Il faut donc l'optimiser, réécrire ses fonctions d'une manière plus efficace et plus intelligente pour qu'il s'exécute et produise le même résultat en moins de temps.
Pour une raison que l'on ignore, la développeuse de ce programme s'acharne sur tata()
dans l'espoir de l'optimiser.
💡 À un moment donné, notre développeuse a un éclair de génie et se dit qu'elle devrait d'abord chronométrer les deux fonctions, au cas où…
▶️ Eh oui ! Le programme passe en fait 90 % du temps dans la fonction toto() ! Il est donc parfaitement contre-productif de s'acharner à optimiser tata() !
Examinons plusieurs cas possibles :
Comment optimiser une fonction dépend énormément de ce qu'on y trouve, je ne détaille donc pas pour l'instant.
Un jour, je vous causerai de complexité algorithmique, mais ça nécessitera un article à part entière…
▶️ On pourrait aussi imaginer qu'en prétraitant les données d'une certaine manière (avec une fonction additionnelle tutu() ), toto() deviendrait plus efficace.
Quant à tata()
, il deviendrait éventuellement intéressant de s'y attaquer si toto()
devenait très rapide.
💡 Imaginons maintenant que nous ayons un budget à gérer (au hasard, celui de l'État) et que nous ayons identifié plusieurs causes de pertes d'argent.
▶️ Eh bien, voyez-vous, dans ce contexte, si quelqu'un s'évertuait à lutter contre la fraude aux allocations sociales et ignorait totalement la fraude fiscale, on serait en droit de le considérer comme le roi des cons.
Et si ce roi des cons balançait carrément un pognon de dingue dans la lutte contre la fraude aux allocs en multipliant (par exemple) les contrôles à Pôle Emploi, on serait carrément en droit de le considérer comme l'Empereur Galactique des abrutis.
(En plus d'être un salopard qui s'attaquerait d'abord à la fraude des très pauvres – pratiquée, en général, pour moins galérer – plutôt qu'à la fraude des très riches — pratiquée, en général, pour s'acheter un yacht plus grand. Mais c'est pas le sujet.)
▶️ Alors que si on faisait une fonction tutu()
effectivement dédiée à réduire toto()
, on dépenserait peut-être un peu plus (en contrôleurs fiscaux supplémentaires engagés), mais on aurait des chances de gagner très gros, même si on était peu efficaces !
⚠️ Bon, vous allez me dire : oui, mais on pourrait aussi dépenser moins. Réduire les services publics, les pensions de retraite, les allocations chômage, tout ça…
L'équivalent, dans l'analogie du programme, ce serait tout simplement de choisir de faire un programme qui fait moins de choses (ou moins bien) pour que le coût décroisse de lui-même.
Mais j'avais cru comprendre que, dans le contexte actuel, ça semblait plutôt être une solution de pourriture cynique malvenue.
Bref, dans le contexte actuel, une conclusion s'impose :
Tout projet de réduction des déficits qui ne serait pas focalisé sur la fraude fiscale devrait être considéré comme nul et non avenu.
Tant que la fraude fiscale représentera plus que 4 milliards d'euros, ça n'aura aucun intérêt économique de s'attaquer à la fraude aux allocs.
(Graphique basé sur https://revolution-fiscale.fr de Camille Landais, Thomas Piketty et Emmanuel Saez.)
▶️ Pour conclure, avant de demander aux gens s'ils préfèrent qu'on augmente les impôts ou qu'on dégrade encore plus les services publics, il faudrait déjà s'assurer que tout le monde paie déjà les impôts qui existent.
Allez, pour l'emphase, répétons encore une fois tous en chœurs :
Tout projet de réduction des déficits qui ne serait pas focalisé sur la fraude fiscale devrait être considéré comme nul et non avenu.
🛈 Si vous avez aimé cet article, vous pouvez le retrouver dans le livre Grise Bouille, Tome IV.