Réglons le problème du chômage

Publié le 19 octobre 2017 par Gee dans La fourche
Inclus dans le livre Grise Bouille, Tome III

Bon, voilà, je croyais finir la semaine tranquillement, et PAF ! Gattaz sort une énormité. Alors bon, c’était l’occaz de parler un peu de notre assurance chômage. Parce qu’en fait, je crois qu’en général, on ignore pas mal de trucs dessus (par exemple, vous saviez que c’était une association loi 1901 qui la gérait ?).

Je ne garantis pas un article sans mauvaise foi ni exagérations, mais comme je ne raconte pas non plus n’importe quoi, vous pouvez retrouver les sources en bas.

Réglons le problème du chômage

💡 Notre comique troupier national, Pierre Gattaz, grand héritier et président du MEDEF, en a encore sorti une bonne :

Pierre Gattaz en one man show : « Il faudrait que les chômeurs soient contrôlés quotidiennement !  Merci, c'est tout pour moi, bonsoir ! » Dans le public, ça rigole : « Haha !  Hihi !  Mais où va-t-il chercher tout ça ?! »

Hohoho, qu'est-ce qu'on s'poile, me direz-vous.

💡 Passons sur le fait que la fraude aux allocs représente à peu près peau-de-balle à côté de la fraude fiscale. Et au-delà de la blague (absolument hilarante), posons-nous la question : comment régler le problème du chômage ?

La Geekette remarque : « Ah merde, moi, en voyant la première image, je pensais que la question serait plutôt : “Comment régler le problème de Pierre Gattaz ?” » Le smiley propose : « L'hospice ?  »

▶️ Cette question en amène une autre préalable : quel est le problème avec le chômage ?

Un mec lambda s'écrie en agitant les bras : « Baaah c'est économique ! La crise, tout ça, y'a trop de chômeurs !  Les caisses sont vides ! » Gee, dubitatif, dit : « Oui, je… je connais cette théorie… »

Voyons donc un peu de quoi il retourne.

L'assurance chômage, c'est pas compliqué : vous cotisez quand vous être salarié, vous touchez une allocation quand on vous enlève votre emploi.

▶️ À un instant T, les cotisations des uns paient les versements des autres. Si l'on regarde le montant de ces cotisations et versements sur les dernières années, voilà ce que ça donne :

On voit un graphique où les recettes et les dépenses sont à peu près équivalentes entre 2009 et 2016, avec même un bon excédent en 2009, 2010 et 2011. Le Geek, songeur : « Ah bah c'est pas si dramatique en fait… »

Un autre graphe montre le résultat net, on voit qu'on est dans le positif tout le temps. Gee commente : « Ça, en gros, c'est les résultats nets cumulés, sachant qu'on partait avec un petit déficit de 5 milliards en 2008.  On est carrément dans le positif !  »

Sources : rapports financiers annuels de l'Unédic 2014, 2015 et 2016 (+ Wikipédia pour les chiffres les plus anciens, j'ai pas trouvé les rapports).

Alors si cotisations et versements sont à peu près à l'équilibre et qu'on a même un peu de réserves, tout va bien, non ?

Gee fait semblant de ne pas comprendre : « Bah mince, il semblerait que l'assurance chômage soit gérée correctement… que le système fonctionne…  qu'on ait assez d'argent pour payer le chômage de tout le monde alors même qu'on a un nombre record de chômeurs…  En fait, on dirait bien qu'il n'y a pas de problème.  On m'aurait menti ?  »

Eh bien en fait, on a omis un tout petit truc qui s'appelle…

Pôle Emploi.

Car Pôle Emploi est financé en partie par le chômage… à hauteur de 10% des cotisations.

⚠️ Et là, tout de suite, si on intègre ça, ça plombe un poil le budget.

Le graphe recettes/dépenses change drastiquement : les dépenses deviennent significativement plus élevées que les recettes. Le Geek, stupéfait : « Ah ouais, quand même. »

Sur le graphe du résultat net, on voit que la situation financière plonge d'année en année. Gee, énervé, remarque : « Le problème de l'assurance chômage n'est pas un problème de modèle : le système de cotisations et versement marche ! Très bien ! C'est un problème de gestion d'un financement imposé par l'État ! » Le smiley, alarmiste : « Et vu qu'on est du coup en déficit permanent, j'vous raconte pas c'qu'on casque en intérêts d'emprunts… »

Sources : toujours Unédic et Wikipédia.

▶️ Quand Pierre Gattaz suggère de contrôler quotidiennement les chômeurs, rendez-vous bien compte que ça nécessiterait d'engager une véritable armée d'employés supplémentaires chez Pôle Emploi.

Et donc de creuser encore plus cet énoÔorme gouffre à pognon !

Gee se fracasse la tête contre un mur (« BOM ! BOM ! BOM ! BOM ! BOM ! BOM ! BOM ! ») en criant : « Et ça se dit “responsable”, putain !  Ça se dit “réaliste” ! » Le smiley : « Ça y est, vous m'l'avez énervé, encore ! Tsss… »

💡 Petite parenthèse : on peut légitimement soupçonner qu'il y ait une volonté politique à flinguer l'assurance chômage. En effet, elle fait partie des expériences qui démontrent clairement qu'un système autogéré par la population active (ici, via l'Unédic qui est une association loi 1901) peut prendre en charge des quantités monstrueuses de pognon de manière responsable (pour le coup…) et pérenne.

Gee dit : « Vous en tirez les conclusions que vous voulez…  Moi, je me suis déjà fait mon opinion. » Il a un drapeau rouge-noir à la main, et à côté, le chat des anarchiste fait : « KKFFFFFF !!!  »

⚠️ Et comme pour l'assurance maladie, c'est à partir du moment où l'État fout ses sales pattes dedans que ça commence à déconner.

Un responsable politique parle dans une assemblée : « Chers amis, il ne faudrait pas que les citoyens se rendent compte qu'ils sont plus capables que nous autres politiciens de gérer la société.  Alors le plan, pour tout ce qui marche bien en autogestion : étape 1, on vient foutre notre bordel dedans ; étape 2, on explique que c'est très mal géré ; étape 3, l'État prend le contrôle des ruines et ouvre à la concurrence avec le privé, les complémentaires, tout ça… » Le smiley précise : « Vous pouvez crier au complotisme, mais regardez ce qu'il s'est passé avec les mutuelles… ça vient pour les retraites, aussi. »

Parenthèse fermée.

💡 Vous allez me dire : oui, mais c'est normal que l'assurance chômage finance Pôle Emploi. Après tout, Pôle Emploi aide les gens à retrouver du boulot, non ?

Gee lit un rapport : « Je lis dans ce rapport de la Cour des comptes de 2015 que les chômeurs qui retrouvent un emploi le font grâce à Pôle Emploi… dans seulement 12,6 % des cas.  Les autres cas étant des candidatures spontanées, par exemple. » Le smiley remarque : « Il est bizarre, ton PDF, on dirait un journal. »

Source : « Pôle Emploi à l'épreuve du chômage de masse », rapport public thématique de la Cour des comptes, juillet 2015.

Alors je sais qu'on ne tire pas sur l'ambulance, mais on parle d'un organisme qui, non content de plomber le budget d'une assurance chômage autrement raisonnablement équilibré, est inefficace à 87,4 %.

(En fait, Pôle Emploi est principalement utilisé comme une arme de contrôle social, de culpabilisation des chômeurs face à la sacro-sainte « valeur travail ». De ce point de vue là, il est diaboliquement efficace.)

▶️ Est-ce que finalement, la solution la plus pragmatique, ce ne serait pas de fermer Pôle Emploi ?

Ironiquement, tout le personnel de Pôle Emploi viendrait alors grossir les chiffres du chômage.

La Geekette ajoute : « Vous pouvez ajouter les 12,6 % si vous êtes pessimiste…  On peut aussi imaginer qu'une grande partie aurait fini par retrouver du boulot par d'autres moyens également, en l'absence de Pôle Emploi. » Gattaz se moque : « Ah ! Ces feignasses ?! » Le smiley, blasé, lui demande : « On t'a sonné, le rentier ? »

En même temps, le personnel de Pôle Emploi est réduit à la tâche désagréable de fliquer et traquer les chômeurs, ce qui est générateur de mal-être chez les uns comme chez les autres.

▶️ Foutons donc la paix aux chômeurs et libérons les conseillers Pôle Emploi de ce boulot aliénant !

Une conseillère demande à un chômeur : « Dites. Je vous propose un truc : j'arrête d'être votre conseillère… et on part tous les deux profiter des allocations chômage en mode “hamac à la plage”. » Le chômeur, heureux : « Je commençais à me demander si vous alliez finir par me le proposer.  Je vais chercher la crème solaire. »

Scandaleux, vous dites ?

Pourtant, l'assurance chômage est, comme son nom l'indique, une assurance : vous cotisez à un droit, et vous profitez de ce droit quand vous en avez besoin (en l'occurrence, en cas de perte d'emploi).

L'injonction à rechercher activement un emploi n'est qu'une des façons qu'à l'État d'attaquer et de dévoyer cette assurance chômage.

⚠️ En principe, l'assurance chômage n'a pas à être soumise à une autre condition que celle d'avoir perdu son emploi ! Imaginez un peu si les autres assurances faisaient de même…

Gee est au téléphone, à côté d'une bassine qui récupère une fuite d'eau. Au téléphone, on lui dit : « Alors, pour votre dégât des eaux, on veut bien prendre en charge, mais vous allez devoir justifier que vous prenez une formation en plomberie et que vous faites une prière à Notre Dame des Fuites trois fois par jour. » Gee : « Euuuuh, ouais ? Sinon, ce serait envisageable d'aller vous faire cuire le cul ? Cordialement. »

Vous devriez donc avoir le droit de vous la couler douce pendant que vous êtes indemnisé.

Certes, ça semblerait peut-être injuste que certains travaillent beaucoup pendant que d'autres se la coulent douce tout en étant payés par les cotisations chômage.

Sauf que c'est un fait : il n'y a plus assez de travail pour tout le monde.

▶️ Alors au lieu de forcer une partie de la population à travailler trop pendant qu'une autre subit une oisiveté totale rarement voulue, on pourrait peut-être imaginer d'autres solutions ? Genre, moins débiles ?

Le Geek et Gee ont chacun un énorme marteau, l'un marqué « réduction du temps de travail », l'autre « partage des richesses ». Le Geek demande : « T'en as pas marre qu'on martèle ça à chaque article ? » Gee : « C'est pour compenser ce qu'on martèle à longueur de journée dans les grands médias…  Flexibilité, coût du travail, “charges” et compagnie… »

⚠️ Car si le problème du financement du chômage est un épouvantail politique, le problème de la disparition du travail est par contre bien réel*, et il y a un moment où il va falloir s'occuper de ça…

Voir l'article Oui, le travail disparaît.

Dans les hautes sphères, on est encore bien loin de se poser ces questions qui vont devenir de plus en plus capitales pourtant, car le chômage n'est pas près de baisser.

Même image que plus haut, avec Gee et son drapeau rouge-noir et son chat anarchiste. Gee dit : « En réalité, je pense que les hautes sphères le savent et s'en tapent simplement.  Personnellement, j'ai arrêté de compter sur elles. » Le chat : « KKKFFFFFFFF bis !  »

Pour l'heure, soyons raisonnables et attaquons-nous d'abord à quelque chose de plus concret et plus simple à mettre en œuvre…

Réglons le problème du chômage : fermons Pôle Emploi.

Le smiley rigole en disant : « Ah bah tiens, c'est marrant, j'avais le même genre d'idées pour régler la crise politique en France… » Note : BD sous licence CC BY SA (grisebouille.net), dessinée le 19 octobre 2017 par Gee.

Sources :

Pour aller plus loin :

Publié le 19 octobre 2017 par Gee dans La fourche

🛈 Si vous avez aimé cet article, vous pouvez le retrouver dans le livre Grise Bouille, Tome III.

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